Crise du Covid: l’épargne des Français… épargnée par Bercy!

Bruno Le Maire a tranché! Il n’y aura pas de taxe sur l’épargne accumulée par les Français durant la crise. Au-delà de s’assurer que ces liquidités contribueront à la relance de l’économie, Bercy songerait à faciliter les donations entre générations. Analyse.
Sputnik

L’argent épargné par les Français durant la crise du Covid ne sera pas surtaxé. «J’écarte une nouvelle fois, clairement et définitivement, toute taxation de l’épargne des Français», a promis Bruno Le Maire ce 1er mars, à l’issue d’un point presse consacré au plan de relance. «Nous travaillons à des incitations qui permettraient aux Français de dépenser leur épargne dans l'économie et donc de participer à la relance économique», a-t-il ajouté devant les journalistes.

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Ce surplus d’économies des ménages est estimé à 200 milliards d’euros à la fin de l’année 2021 selon la Banque de France. Depuis plusieurs semaines, le débat enfle sur le devenir de cette «épargne Covid». D’un côté, les partisans d’une orientation vers l’économie réelle de ce surplus d’économie des ménages. De l’autre, ceux qui appellent à une taxation pure et simple. Ces voix, à gauche, justifient une telle proposition par le fait que 70% de l’épargne accumulée durant la crise serait le fait des 20% des ménages ayant les revenus les plus élevés. Cependant, toute taxe «exceptionnelle» pourrait envoyer un signal délétère aux Français et tuer dans l’œuf la reprise économique, estime-t-on dans le camp d’en face.

Ne pas noyer la consommation, moteur français de la relance

Annoncer l’ajout d’une couche de prélèvements, au niveau de l’épargne, c’est «prendre le risque d'entraîner une baisse du consentement à l'impôt, une évasion fiscale accrue ou encore une tendance encore plus forte à épargner en anticipation de futures hausses d'impôts», développe auprès des Échos Xavier Timbeau, directeur de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Une ligne qui correspond à celle de Bruno Le Maire qui ne cesse de répéter qu’il n’y aura pas de hausse d’impôts tant qu’il sera à Bercy.

Mi-février, la Banque de France signalait d’ailleurs bien un «fléchissement» de l’épargne individuelle au troisième trimestre «en phase avec le rebond de la consommation des ménages» de +18,8% à la suite du déconfinement. Des chiffres qui, en plus de l’incertitude dans laquelle vivent les Français, illustrent le caractère «forcé» de ces économies. Bref, les partisans de la réorientation, ou «fléchage», semblent pour l’heure l’emporter.

Tôt dans la matinée, avant la prise de parole de Bruno Le Maire, Les Échos rappelaient que Bercy souhaitait présenter dans les prochaines semaines «un dispositif pour assurer que l'épargne des Français va bien à la relance de l'activité économique et aux entreprises françaises». Détail intéressant, le quotidien économique révèle, de source ministérielle, que serait à l’étude un «système incitatif pour donner envie aux Français de recourir à des transferts ou des dons entre générations».

Les donations en hausses, sur fond d’incertitude

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Un pavé dans la mare? Une telle mesure prend en tout cas à rebrousse-poil la politique menée en France, depuis des décennies, qui consiste à limiter les transmissions de capital. Particulièrement alourdie sous François Mitterrand, la fiscalité des successions avait connu une accalmie sous Nicolas Sarkozy. Ce dernier avait introduit un abattement de 159.325€ sur les héritages et les dons tous les six ans en ligne directe. Passé à onze ans en 2011, le délai entre deux donations était ensuite repoussé à quinze ans en 2012 sous François Hollande et leur montant maximal fixé à 100.000 euros. Après cet abattement, le barème d’imposition appliqué par le fisc s’échelonne entre 5% et 45% de la valeur de l’héritage, record du monde!

Face au surplus d’épargne, on comprend que, au-delà de favoriser la consommation ou les placements dans des produits financiers fléchés par l’économie réelle, l’objectif du gouvernement pourrait être d’inciter les parents et grands-parents à secourir leurs descendants actifs.

«Le problème c’est que 60% de l’épargne financière dans notre pays est détenu par ma génération, c’est-à-dire par les plus de soixante ans», soulignait notamment sur France Info le 28 février Jean-Hervé Lorenzi, rappelant que le vieillissement allait de pair avec l’aversion aux risques. Toutefois, face à la crise, les aînés prennent de plus en plus leurs précautions à l’égard des plus jeunes. Selon France Info, les donations auraient augmenté de 30% depuis le premier confinement.

Faciliter les donations ne veut pas dire faciliter les héritages

Pour autant, ceux qui verraient là les prémices d’un allégement de la fiscalité sur les héritages pourraient déchanter. En effet, l’idée d’encourager la donation transgénérationnelle n’est en rien opposée à celle d’alourdir les droits de succession. Bien au contraire!

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On remarquera, notamment, que le Conseil d'analyse économique (CAE), qui est à l’origine de cette statistique reprise par la presse selon laquelle 70% de l’épargne aurait été mise de côté par seulement 20% des plus «riches» durant la crise, est également l’auteur d’une note qui suggérait la suppression pure et simple de l’abattement sur les droits de succession.

S’il entendait «limiter la perpétuation des inégalités d’une génération à la suivante», c’est-à-dire du droit de l’État à toujours plus se servir dans les héritages au nom de l’égalité, ce cercle de réflexion rattaché à Matignon soulignait également la nécessité d’«inciter à des transmissions plus précoces vers les jeunes». L’idée se justifie par le fait que les héritages s’opèrent «de plus en plus tard», du fait de l’allongement de l’espérance de vie. En somme, il faut inciter les retraités à donner de leur vivant aux jeunes actifs. Et il y a bien deux manières d’y parvenir: faciliter les donations et matraquer les héritages. La méthode sempiternelle de la carotte et du bâton.

Pourtant, c’est l’exact inverse de ce qui s’opère ailleurs dans le monde. Ainsi, Les Échos appelle-t-il à regarder vers l’Ouest, soulignant la politique keynésienne de Joe Biden: une incitation à la relance couplée à l’impératif d’acheter américain. La Suède, elle, a pris depuis longtemps le pari de faire circuler l’argent plus vite sans accabler les héritiers. Au-delà d’importantes baisses d’impôts sur les sociétés et de la suppression de l’impôt sur la fortune, le royaume a surtout annihilé les droits de succession en 2004. Point notable, cette mesure a été portée par la gauche.

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