D’après un sondage OpinionWay pour meilleurplacement.com, révélé le 16 février par Europe 1, les Français ont mis en moyenne 276 euros de côté durant la crise. Cette épargne «forcée», comme la qualifiait au micro de RTL un mois plus tôt Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), a battu des records en 2020. «Cela représente 50 euros par mois et par livret A. […] On n’a jamais vu ça», développait cet ancien patron de la BNP à propos des 35 milliards d’euros que les Français avaient virés en 2020 sur leur placement préféré.
«Cet argent, il ne dort pas, il permet de financer la vie quotidienne des Français», affirmait Éric Lombard, rappelant que le livret A sert au financement des HLM. «Le bus propre de votre ville, l’école qui a été rénovée, la rénovation thermique de votre mairie où on a changé les fenêtres… Tout cela, c’est l’argent du livret A», insistait-il auprès de RTL.
Mais rien n’y fait, ces montants seraient excessifs aux yeux de plusieurs parlementaires. Ainsi, le sénateur socialiste Thierry Cozic les qualifiait-il de «fonds de guerre» auprès des Échos. Un magot, cumulant tous types de placements financiers, dont la taxation ferait l’objet d’un «véritable blocage idéologique», regrette Rémi Féraud, autre sénateur socialiste. Celui qui préside le groupe d'Anne Hidalgo au conseil de Paris se confiait également au quotidien économique.
Épargne : «fléchage» contre taxation
Cette logique de taxer l’épargne des Français, purement et simplement, au nom de la «solidarité» et de la «justice sociale» prend Bruno Le Maire à contre-pied. Le grand argentier n’a eu de cesse de répéter qu’il n’y aurait pas de hausse d’impôts sur les ménages et les entreprises tant qu’il serait à Bercy. Pour l’ancien candidat à la primaire de la droite et du centre, cette politique fiscale, adoptée sous le mandat de Nicolas Sarkozy, serait justement à éviter afin de ne pas tuer la reprise économique dans l’œuf. Bercy chercherait ainsi plutôt à «flécher» cette épargne vers le soutien à des acteurs de l’économie à travers des organismes de placement collectif.
Le mirage des «contributions exceptionnelles».
Mais l’idée d’une surtaxe de l’épargne des ménages ne se limite pas aux seuls hommes politiques. Ce lundi 22 février, l'ex-président du conseil de surveillance de PSA, Louis Gallois, apportait sa contribution en termes de moralisation. Au micro d’Europe 1 cet «industriel de gauche» a estimé qu’il faudrait instaurer «un impôt temporaire de solidarité» prélevé «pendant deux ans […] sur les tranches les plus élevées» de l’IR. «Il faut que s’exprime cette solidarité dans le pays», insiste-t-il.
Quant aux mesures fiscales prises sous Nicolas Sarkozy brandies en exemple et contre-exemples un peu plus tôt, la Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus est, dix ans après son instauration, toujours en vigueur. Seule la surtaxe exceptionnelle sur les dividendes, promesse de campagne de Français Hollande, a depuis pris fin, après avoir été torpillée par le Conseil constitutionnel fin 2017. Les sages l’ont jugée contraire aux directives européennes, comme l’avait proclamé la Cour de justice de l’Union européenne (CJEU) quelques mois plus tôt.
L’héritage menacé?
Bref, créer aujourd’hui une surtaxe «exceptionnelle» sur l’épargne pourrait bien être la meilleure façon d’introduire un prélèvement pérenne. Mais taxer l’épargne n’est pas le seul levier auxquels les politiques songent afin de renflouer les caisses de l’État en ces temps de crise sanitaire. En effet, un autre serpent de mer de la gauche a refait surface, cette fois au sein même de la majorité: la hausse des droits d’héritage –plus communément appelés frais de succession. Un copier-coller qui ne saurait surprendre, puisque près des deux tiers des membres de la majorité au Parlement sont issus des rangs de la gauche.
En septembre 2018, Christophe Castaner, alors patron de LREM, avait repris l’idée de France Stratégie, un cercle de réflexion rattaché à Matignon, de supprimer l'abattement de 100.000 € sur les héritages en ligne directe. L’objectif: lutter contre la «progression des inégalités de naissance». «On n'y touchera pas tant que je suis là», avait toutefois rétorqué Emmanuel Macron.
Pour autant, le gouvernement n’a pas besoin de recourir aux «hausses» d’impôts ou d’en créer de nouveaux pour augmenter la pression fiscale. En témoigne la prorogation de la CRDS l’été dernier afin de prendre en charge le remboursement d’une partie de la dette Covid.