«Une candidature de Zemmour, c’est mathématique, pourrait faire du mal au Rassemblement national par un détournement des voix», alerte l’eurodéputé Gilbert Collard.
L’ancien député du Gard, qui considère Éric Zemmour comme un ami, déplore que celui-ci fasse cavalier seul et ne serve pas la candidature la plus solide. Entendez celle de la dirigeante du RN: «S’il était mieux placé que Marine Le Pen, je vous dirais ‘Marine Le Pen doit soutenir Zemmour’, mais ce n’est pas le cas visiblement», fait-il remarquer.
Les sondages ne sont en effet pas très encourageants pour le polémiste, comme en témoigne un nouveau rapport de l’IFOP pour Valeurs actuelles qui le crédite de 13%. Un score d’autant plus décevant qu’il ne semble pas avoir progressé sur le long terme. En 2015, une enquête de l’IFOP également faisait déjà ressortir un potentiel électoral de 12% pour Éric Zemmour. Près de six ans donc après une première étude et malgré un contexte politique radicalement différent –la France a vu l’avènement d’Emmanuel Macron et aujourd’hui, la gauche et la droite traditionnelles sont moribondes–, celui-ci n’aurait gagné qu’un malheureux point de pourcentage.
Pourtant, une telle stagnation a de quoi surprendre: son émission sur Cnews, qui compte 800.000 spectateurs quotidiens, est un succès, ses prises de position ressemblent chaque jour davantage à un programme politique et des rumeurs enflent sur une candidature qui s’organiserait dans l’ombre. Cependant, Gilbert Collard n’est pas dupe: les voix accordées à l’auteur du Suicide français seraient prises à son parti.
«C’est dangereux pour la droite et les idées qu’il porte lui-même», plaide l’avocat.
Une adhésion limitée
Une mauvaise nouvelle pour le Rassemblement national donc, mais pour Zemmour, en est-on si sûr? Commentant dans Valeurs actuelles l’enquête qu’il a diligentée, le directeur du pôle Opinion de l’IFOP Jérôme Fourquet évoque un chiffre «ni négligeable, ni sensationnel». En décortiquant les résultats du sondage, le surplace de Zemmour peut trouver un semblant d’explication. Si la notoriété de l’éditorialiste n’est pas en cause (13% des sondés seulement ignorent qui il est), son socle d’adhésions solides est en réalité faible (4% se disent certains de voter pour lui). En revanche, sa capacité à fédérer les électeurs de Fillon (23%) et de Marine Le Pen (22%) laisse une marge de manœuvre intéressante au chantre de «la droite hors les murs».
Un autre sondage, réalisé par l’institut Yougov pour L’internaute et également paru ce 18 février, pointe pourtant chez le chroniqueur de Cnews une même propension à attirer à lui les électeurs d’une droite en manque de repères et surtout de porte-parole. Réalisée auprès d’un échantillon de 1.052 personnes, l’enquête met en lumière une tendance qui a son importance: les sympathisants de la droite plébisciteraient davantage Éric Zemmour que Marine Le Pen. À la question «Éric Zemmour ferait-il un meilleur ou moins bon candidat que Marine Le Pen pour représenter la droite nationaliste en France?», ceux-ci sont effet 27% à plébisciter le chroniqueur contre 24% à penser le contraire. En revanche le rapport s’inverse lorsque la question est posée aux personnes de toutes sensibilités politiques confondues, pour lesquelles Marine Le Pen est jugée la plus apte.
Joint par la rédaction, l’institut de sondage voit dans ces résultats la preuve d’une certaine légitimité d’Éric Zemmour à droite, bien que l’essai (sans mauvais jeu de mots) ne soit pas encore tout à fait transformé à travers des intentions de vote réelles. «De manière générale, il y a une demande de renouveau politique en France et cet engouement pour Zemmour chez les électeurs de droite l’illustre bien» nous indique-t-on.
Plus concrètement, l’enquête Yougov dévoile un autre élément significatif: 21% des Français se disent «favorables» à une candidature d’Éric Zemmour pour la présidentielle 2022. Autrement dit, une partie des Français –dépassant ses seuls supporters– jugent qu’il a sa place dans la course à la magistrature suprême. «Cet intérêt plus large pour sa candidature peut être perçu comme un signal envoyé aux acteurs politiques pour montrer que le paysage actuel est un peu plat», souligne notre interlocutrice de l’institut Yougov. Par ailleurs, il serait plébiscitée par un nombre important de citoyens ne désirant pas voter pour lui mais souhaitant «mettre un peu de piquant dans la campagne».
Toutefois, «ces chiffres correspondent à un instant T et cette orientation devra se confirmer avec le temps», nous explique-t-on au téléphone. Une tendance qui pourrait n’être que passagère, estime Gilbert Collard.
«Les sondages sont une photographie, il ne faut pas l’oublier. Nous sommes, du reste, dans une période très critique donc il faut demeurer modeste. Personne ne sait réellement ce qui arrive et ces chiffres ne reflètent qu’un moment très particulier», nuance-t-il.
C’est sûr, Éric Zemmour aura besoin d’alliés: en conclusion de son enquête, le directeur de l’IFOP avançait de son côté que «si une ou plusieurs personnalités venaient à son soutien, le regard porté sur cette candidature pourrait évoluer».
Ces sondages interviennent après la sortie d’un article publié par L’Express qui dévoile les ambitions présidentielles d’Éric Zemmour. Celui-ci avait été suivi de nombreux commentaires et l’intéressé n’avait pas démenti ces assertions, bottant en touche à la moindre question.
Zemmour, acteur essentiel de la vie politique
L’engouement pour Zemmour à droite n’est toutefois pas nouveau et certaines figures poussent d’ailleurs l’essayiste à se lancer dans la course. C’est le cas de Robert Ménard, récemment interrogé par Sputnik à ce sujet. Le maire de Béziers souhaite voir émerger une personnalité alternative à Marine Le Pen qu’il ne juge pas en mesure de fédérer au second tour.
Pour Gilbert Collard au contraire, c’est le pessimisme qui conduirait à une telle option et celle-ci ne pourrait, à l’en croire, que diviser le camp souverainiste. «Je veux croire que tout est possible concernant le second tour. Et personne ne sonde réellement les reins et le cœur du peuple Français», affirme l’avocat. En définitive, s’il ne voudrait pas voir son ami entrer en politique pour voler la vedette à Marine Le Pen, Gilbert Collard lui concède cependant quelques vertus rares et essentielles: «Zemmour aurait beaucoup à apporter à la politique: ce romantisme, ce sens de l’histoire qu’ont perdu la plupart des représentants politiques.»