51.810,70 dollars. C’est la valeur d’un Bitcoin ce 18 février à 13h59 UTC. Une somme que beaucoup auraient jugé délirante il y a encore quelques mois. Difficile d’imaginer qu’en mars 2020, il y a moins d’un an, son cours était passé sous les 5.000 dollars. Comment expliquer une telle frénésie? Au micro de Sputnik, Philippe Herlin, docteur en économie et spécialiste du Bitcoin, avance une raison majeure:
«C’est le fait que les institutionnels s’y intéressent qui pousse le cours à la hausse. Ils mettent du temps à se décider, mais quand ils le font, c’est avec des sommes conséquentes.»
Même son de cloche du côté de Neil Wilson, analyste chez Markets.com, dont l’AFP s’est fait l’écho: «Un intérêt de plus en plus marqué du monde des affaires pour les cryptomonnaies a transformé le marché par rapport à 2017.»
Ces dernières semaines, un nombre conséquent d’acteurs économiques de poids ont parié sur le Bitcoin. C’est notamment le cas de Tesla, célèbre marque de voitures électriques dirigée par le fantasque milliardaire Elon Musk. La compagnie a ainsi investi 1,5 milliard de dollars en Bitcoin. Du côté de l’américain MicroStrategy, éditeur de logiciels d’informatique décisionnelle, on a annoncé le 15 février une levée de fonds de 600 millions de dollars «pour acheter des Bitcoins».
Bitcoin, la ruée des institutionnels dope les cours
Les banques ne font pas exception. «Une branche d’investissement de Morgan Stanley doté de 150 milliards de dollars et connue pour ses prouesses dans la sélection des actions de croissance envisage d’ajouter le Bitcoin à sa liste de paris possibles», mentionnait Bloomberg le 13 février.
Reste que les adversaires du Bitcoin existent. Ils mettent en avant sa volatilité et rappellent la très difficile année 2018 qu’avait connus la cryptomonnaie. Son cours était passé de plus de 15.000 dollars en décembre 2017 pour se retrouver sous les 3.000 dollars un an plus tard.
«Les institutionnels investissent dans le Bitcoin pour rester plusieurs années. On pourra toujours assister à une correction, mais je ne crois pas à un effondrement du cours. Lors de la période 2017-2018, ce sont surtout des particuliers qui sont rentrés sur le marché pour faire fortune et en sont rapidement sortis. Le contexte est totalement différent aujourd’hui, il est beaucoup plus stable et pérenne», estime Philippe Herlin.
D’autant plus que selon l’expert, «le Bitcoin est volatile à la hausse, c’est moins grave que le contraire!»
«Quand on achète du Bitcoin pour un investissement à horizon deux ou trois ans, on est sûr d’être gagnant. Il suffit de regarder l’historique du cours. Il faut simplement être patient et faire le dos rond dans les moments de baisse», poursuit l’auteur de J’achète du Bitcoin (Éd. Eyrolles).
D’après l’économiste, la volatilité n’est pas gênante quand on est dans une optique de long terme et selon lui «le Bitcoin est un investissement de long terme». «Tout un écosystème est en train de se développer autour», ajoute Philippe Herlin.
Philippe Herlin en est persuadé: le cours de cette cryptomonnaie va continuer à monter. «Il y a de plus en plus d’acteurs financiers qui le considèrent», souligne-t-il.
Ces derniers mois, Blackrock, plus grand gestionnaire d’actifs de la planète, ou encore Mastercard, PayPal ou la plus ancienne banque de Wall Street, BNY Mellon, ont tous annoncé de nouveaux projets concernant le Bitcoin et les cryptomonnaies en général.
Même les États s’y mettent. Le Canada a fait office de pionnier en annonçant le 12 février le lancement d’un fonds de Bitcoins négocié en Bourse. Il a été autorisé par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO), le gendarme de la Bourse de Toronto. Il s’agit d’un fonds indiciel proposé par la société Purpose Investments. «Ce fonds négocié en Bourse sera le premier au monde à investir directement dans des Bitcoins» adossés physiquement «et non pas sur des dérivés, offrant aux investisseurs un accès facile et efficace à la catégorie d’actifs émergente de la cryptomonnaie sans le risque lié à l’autodétention dans un portefeuille numérique», a indiqué la société Purpose Investments dans un communiqué.
«Le Bitcoin est volatile à la hausse, c’est moins grave que le contraire!»
Le journaliste Grégory Raymond relatait récemment sur Twitter que le canton de Zoug, en Suisse, avait autorisé ses administrés à payer leurs impôts en Bitcoin, dans une limite de 100.000 francs suisses. Un projet également dans les tuyaux de la ville de Miami, dont le maire Francis Suarez est un aficionado des cryptomonnaies. Il souhaite également payer les employés de la municipalité en Bitcoin et y investir une partie de la trésorerie de la ville.
Pour Philippe Herlin, cette ruée sur le Bitcoin s’explique également par «la peur de l’inflation».
«Les acteurs économiques se rendent compte que la planche à billets des Banques centrales, notamment aux États-Unis et en Europe, atteint des niveaux délirants. Cela peut déboucher sur un dérapage des prix. Ils se protègent donc en achetant du Bitcoin qui est une ressource rare.»
Pour contrer les effets de la crise économique liée à la pandémie de Covid-19, de nombreuses Banques centrales, telles que la Réserve fédérale américaine (Fed) ou la Banque centrale européenne (BCE), ont injecté des sommes colossales dans l’économie, notamment par le biais de programmes de rachats d’actifs.
Il ne faut pas «opposer» le Bitcoin et l’or
Le tout en maintenant une politique de taux très bas. Certains, comme Philippe Herlin, craignent que cette orgie de liquidité ne conduise à une crise inflationniste.
Il existe une autre ressource rare et prisée en tant que valeur refuge: l’or. Au contraire du Bitcoin, le métal précieux connaît une période difficile. Depuis l’euphorie d’août 2020, quand le prix de l’once avait pour la première fois dépassé les 2.000 dollars, le cours du métal jaune est à la baisse. D’après les calculs du site spécialisé Kitco.com, il a perdu plus de 10% ces six derniers mois et évolue aujourd’hui en dessous des 1.800 dollars l’once.
«Il est évident qu’un certain nombre d’individus qui comptaient investir dans l’or se sont dirigés vers le Bitcoin. Cela peut contribuer à expliquer le mouvement de hausse sur le Bitcoin et celui de baisse sur l’or», explique Philippe Herlin, auteur de L'or, un placement d'avenir (Éd. Eyrolles).
Michael Saylor, PDG de MicroStrategy et grand amateur de la cryptomonnaie, assurait en novembre dernier qu’elle allait «manger» l’or.
Lorsque le dragon Bitcoin sortira de son antre, la première chose qu’il mangera est le royaume de l’or.
Une analyse que ne partage pas Philippe Herlin:
«On a affaire à la même classe d’actifs. Ils sont évidemment très différents dans leur fonctionnement ou leur histoire –l’or étant présent depuis le début de la civilisation–, mais ils sont tous deux rares et limités.»
En effet, la production mondiale d’or est d’environ 3.000 tonnes par an quand le nombre maximal de Bitcoins ne pourra jamais dépasser les 21 millions.
«Je considère qu’il y a d’un côté le Bitcoin et l’or et en face les monnaies papier. Et à terme, le Bitcoin et l’or vont gagner contre la monnaie papier. En tout cas, ils prendront de plus en plus d’importance», prédit Philippe Herlin.
Selon lui, des arbitrages peuvent être faits à l’intérieur d’une classe d’actifs, comme choisir entre investir dans la dette américaine ou allemande selon les informations du marché, l’actualité politique et la conjoncture. «Mais cela ne veut pas dire que l’une va manger l’autre», assure-t-il. Le docteur en économie estime qu’il ne faut pas «opposer» le Bitcoin et l’or. D’après lui, «la répartition entre les deux dépendra du comportement des investisseurs.»