Des sans-papiers occupent l’église du Béguinage à Bruxelles et exigent leur régularisation: «Ce n’est pas du chantage!»

Depuis trois semaines, près de deux cents sans-papiers occupent pacifiquement l’église Saint-Jean-Baptiste-au-Béguinage de Bruxelles. Excédés par la longueur des procédures, ces travailleurs clandestins installés en Belgique exigent la régularisation de leur statut.
Sputnik

Ils étaient une vingtaine au début de l’occupation, le 28 janvier dernier. Aujourd’hui, presque deux cents clandestins occupent l’église Saint-Jean-Baptiste-au-Béguinage, à Bruxelles, pour demander leur régularisation.

​Malgré le refus du secrétaire d’État belge en charge de l’Asile et de la Migration de céder à ce qu’il appelle du «chantage», plusieurs collectifs de sans-papiers bruxellois attendent un véritable dialogue avec les autorités. L’Union des sans-papiers pour la régularisation a vu le jour pour encadrer cette action de contestation. Mohammed, l’un de ses leaders, assure que «bien que les gens aient économisé un peu d’argent pour organiser cette action, ils n’en ont plus pour longtemps

«Ce n’est pas du chantage! Le problème est que l’on fait des régularisations de temps en temps, mais nous voulons savoir sur quels critères. À notre tour, nous avons des propositions pour ces critères», explique Mohammed au micro de Sputnik.

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Parmi ces sans-papiers, venus d’Asie, d’Afrique ou du Maghreb, on découvre toutes les situations: célibataires ou familles entières, parents d’enfants nés et scolarisés en Belgique. Tous travaillent dans les filières de l’économie belge qui manquent de bras.

«Avant cette occupation, nous avons déjà travaillé sur le recensement des métiers en pénurie. Pour rentrer dans ces métiers, nous avons juste besoin de validation de compétences. Les gens sont déjà formés et prêts à travailler», souligne Mohammed.

​Malgré un taux de chômage de 5,4% (en 2019), bien au-dessous des 7,5% de l’Union européenne, la Belgique manque toujours de travailleurs dans le bâtiment, le transport, les livraisons ou encore dans l’agriculture.

«Les gens ont marre de continuer le travail au noir et sans la sécurité sociale. On ne rajeunit pas, la santé n’est pas éternelle, et ça va mal se terminer», insiste Mohammed.

On retrouve également parmi les militants des personnes du troisième âge, qui vivent en Belgique depuis longtemps. «Dommage, on a perdu quelques-uns. Ils n’ont pas eu le temps d’être régularisés, regrette Mohammed. Pour nous, il est impossible de rentrer au pays. La Belgique est notre seconde patrie, on l’aime

La paroisse ne se mêle officiellement pas des revendications

Les clandestins qui se sont organisés au sein de l’église pour cotiser et assurer des repas reçoivent le soutien de la paroisse. Le père Daniel Alliët, curé presque octogénaire du Béguinage, reste personnellement très impliqué dans leur lutte. Ce qui lui a valu par le passé quelques déboires avec sa hiérarchie. Au micro de Sputnik, il rappelle également qu’«il y a eu quelques régularisations en 2009

«Ils sont déjà venus plusieurs fois dans notre église. Ceux qui sont dans le pays depuis longtemps espéraient leur régularisation par le travail. C’est la faute du gouvernement s’ils sont obligés d’attendre plus d’un an et demi avant d’avoir une réponse», rappelle le père Alliët.

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S’il ne condamne pas l’action, le prêtre bruxellois se trouve quelque peu dépassé par l’ampleur de la contestation, «parce que avec le coronavirus, l’église peut recevoir maximum 15 personnes.» Privé de célébration de messes par le contexte pandémique, il fait appel à la solidarité des paroisses voisines pour répartir l’occupation «dans d’autres bâtiments».

«On est d’accord avec leurs exigences, mais on ne peut pas le dire officiellement à cause des exigences sanitaires [dans le contexte de la pandémie de Covid-19, ndlr]. On va nous dire: “ont-ils plus de droits que des Belges, qui n’ont pas droit de dépasser un nombre limité de personnes?”»

Le prêtre précise par ailleurs que «ces gens ne sont pas à la rue», bien que dans la conjoncture actuelle, «ils ont du mal à payer leurs logements». Il affirme comprendre le «combat pour la dignité» des sans-papiers belges.

Forts du soutien de la municipalité et bien décidés à voir leurs revendications satisfaites, les deux cents clandestins «travaillent actuellement sur les propositions concrètes avec des avocats.» Les activistes comptent surtout sur une action qu’ils planifient «dans deux semaines pour continuer la négociation» avec le cabinet de Sammy Mahdi, secrétaire d’État chargé de l’Asile et de la Migration en Belgique, lui-même fils de réfugié irakien.

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