Au Cameroun, la course aux rondeurs tient la forme

Accentuer un postérieur trop petit ou une poitrine pas assez généreuse a le vent en poupe au Cameroun et les femmes n’hésitent pas à recourir à divers produits pour avoir la silhouette de leurs rêves. Si cette pratique gagne en popularité, elle amène à s’interroger sur les vrais motifs qui la sous-tendent et ses risques potentiels.
Sputnik

Le fessier galbé, la poitrine tendue, Arielle K. traverse le carrefour qui donne sur la rue principale de son quartier, sous les regards envieux des passants. Cette jeune femme de 25 ans, originaire de Bonamoussadi, dans le cinquième arrondissement de Douala au Cameroun, est consciente de ses charmes et avoue les devoir à des années de «travail».

«C’est en 2017 que j’ai pris conscience de la nécessité de retoucher mon physique. Je me trouvais moche car trop maigre. Certes, chez nous, les hommes aiment les femmes qui ont les fesses et la poitrine fortes. Mais moi, je cherchais ces formes d’abord pour moi. C’est pour mieux mettre en valeur certains de mes vêtements», avoue-t-elle à Sputnik.

Un idéal social ?

Depuis quelques années, les femmes ont de plus en plus recours à des produits divers pour avoir des formes plus généreuses. Marie, 30 ans, est coiffeuse à Douala. Elle dit avoir essuyé plus d’une fois des remarques désobligeantes sur son corps. «Un jour, j’ai fait des recherches en ligne et je suis tombée sur une vendeuse de produits. J’en ai acheté et utilisé. Quelques semaines plus tard, j’ai commencé à voir les résultats», dit-elle à Sputnik.

Au Cameroun, la pharmacopée locale au secours de la virilité
Interrogé par Sputnik sur les raisons d’un tel désir de transformation, Norbert Nadje, psychosociologue et enseignant à l’université de Douala, évoque l’idéal de beauté local avec des critères propres au contexte: «L’apparence physique est conçue socialement suivant des modèles de beauté ou de critères sociaux de beauté.»

«Au Cameroun, les deux critères fondamentaux de beauté pour les femmes sont la poitrine et les fesses généreuses. L’être humain aimant se faire désirer, il recherche une réaction chez l’autre, une émotion favorable…  D’où cette course à la modification de son physique», explique-t-il à Sputnik.

Si dans d’autres contrées, la tendance est à la chirurgie plastique, au Cameroun, on a plutôt recours aux nombreux produits importés ou aux décoctions issues de la pharmacopée locale. Sur la Toile, les pages dédiées à ce commerce ne se comptent plus.

Des produits naturels mais potentiellement dangereux

Face à une clientèle avide de perfection esthétique, beaucoup d’e-commerçants ont flairé la bonne affaire. Émilie D, 36 ans, est l’une de ces vendeuses. Elle commercialise depuis 2015 de la poudre et de l’huile de fenugrec (plante médicinale et condimentaire).

«Mes produits viennent tout droit du Maroc et de Dubaï et jusqu’ici, je n’ai enregistré aucune réclamation. Mes clientes reviennent toujours!», se targue-t-elle.

Sans cesser de vanter les vertus de son commerce, elle précise que ses produits «permettent en même temps la prise de poids et le raffermissement des seins. Pour ce qui est des prix, il faut débourser en moyenne 2.000 francs CFA (deux euros) ou 5.000 francs CFA (7 euros) pour un paquet de 100 grammes».

La vendeuse promet des résultats visibles au bout d’un mois d’application. En effet, souligne le docteur Clovis Talla, médecin pharmacien, le fenugrec –comme la plupart des plantes proposées pour l’augmentation des seins et des fesses– contient des phytœstrogènes (composés végétaux dont la structure rappelle celle des hormones sexuelles féminines, ndlr) qui sont produits naturellement par la graine.

«Ces substances peuvent simuler les effets de l’hormone naturelle féminine et dans ce cas, on peut constater une augmentation de certaines parties du corps, notamment le bassin et la poitrine. Toutefois, ces effets sont aléatoires et varient d’une femme à l’autre», précise le médecin.

Cependant, prévient-il, «l’augmentation des seins ou des fesses à l’aide de ces plantes est très peu, sinon pas du tout soutenu scientifiquement et donc peu recommandable. L’un des principaux dangers est lié à toute utilisation abusive qui pourrait être nocive pour la santé».

D’ailleurs, dans cette course aux fesses et poitrines de rêve, au-delà des suppléments alimentaires, beaucoup de femmes utilisent également des comprimés et des gélules prohibés achetés au coin de la rue. D’autres encore préfèrent des produits chimiques et des pommades en surdose aux origines douteuses. Ce qui ouvre un boulevard à toutes formes de complications.

Discuter