Ces employés iraniens de Renault détachés en France savaient-ils en acceptant l’offre de l’enseigne que leur famille ne pourrait pas les rejoindre? Ils assurent que non et que la politique de la marque au losange consiste «à faire de la rétention d'informations pour nous mettre devant le fait accompli». Dans leur témoignage au Point, quelques-uns des 114 salariés iraniens ont décrit le calvaire qu’ils ont vécu et que la crise de Covid-19 n’a fait qu’amplifier.
La vie privée «foulée aux pieds»
C’est le retrait de Donald Trump de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien et sa décision de frapper de sanction toute entreprise étrangère opérant sur le sol de la République islamique qui a tout déclenché. La coentreprise Renault-Pars décide alors de proposer à une centaine de salariés de venir provisoirement travailler en France.
Renault explique au Point que le dispositif en question prévoyait la venue de l’employé sans sa famille, mais lui accordait un budget pour ses déplacements entre la France et son pays d’origine. La marque dit avoir mis au courant les salariés de tous les détails alors qu’ils étaient encore sur le sol iranien. Toutefois, ces derniers le nient.
«Il nous a simplement été indiqué que Renault ne prendrait pas en charge le voyage et l'installation de nos familles. [...] Jamais Renault ne nous a dit, ou écrit, que nos proches seraient empêchés de venir en France avec nous», explique l’un d’entre eux pour qui la vie privée «a été foulée aux pieds».
En effet, c’est une fois en France qu’ils apprendront que leur famille ne pourra les rejoindre que six semaines par an, est-il expliqué. Si cette nouvelle plonge les uns dans le désespoir, elle donne lieu à des fissures dans les relations d’autres, telle une mère dont la fille a cessé de lui parler, considérant qu’elle l’avait sciemment abandonnée en Iran.
Quand les frontières sont verrouillées
La pandémie de Covid-19 et la fermeture des frontières n’ont fait qu’aggraver les choses, imposant de longs mois de séparation.
«Je n'ai pas pu voir ma femme pendant sept mois en pleine période de coronavirus, alors que les gens mouraient en Iran. [...] Cela m'a plongé dans une situation de détresse profonde, et j'étais loin d'être le seul», raconte un salarié présenté comme s’appelant Omid.
Le Point précise qu’aucun n’a vu son détachement renouvelé. Il convient tout de même de préciser qu’un contrat de trois mois chez Renault-Pars leur a été proposé.
«En réalité, Renault nous a utilisés comme de la main-d'œuvre bon marché sans respecter nos droits de travailleurs en France, puis ils nous ont jetés comme des malpropres lorsqu'ils n'ont plus eu besoin de nous. Jamais je ne pensais qu'une telle chose arriverait en France, qui est tout de même censée être le pays des droits de l'Homme», conclut l’interviewé.