Plus de 645.000 prêts garantis par l’État (PGE) ont déjà été distribués pour un montant d’environ 131 milliards d’euros d’après les chiffres officiels disponibles ce 8 février.
Cet outil mis en place par le gouvernement afin d’aider les entreprises les plus fragiles à traverser la tempête du Covid-19 commence à soulever de plus en plus de questions. «Je rappelle que ces prêts sont, comme leur nom l’indique, garantis par l’État, donc quand il y a un défaut sur le prêt, c’est l’État, donc le contribuable qui paie», avertissait récemment Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, durant une audition au Sénat.
En effet, la garantie de l’État se monte à 90% concernant les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliard d’euros. La garantie passe entre 70 et 80% pour celles dont le CA est plus important. Problème: les autorités ont peut-être été un peu trop optimistes. «Le coût de cette exposition pour les finances publiques a déjà été évalué par le gouvernement. Se basant sur une estimation de sinistralité comprise entre 4 et 5% sur l’ensemble des PGE, il estime sa perte brute à environ 6 milliards d’euros sur les six années que dure le dispositif. Les primes payées par les emprunteurs pendant cette période permettront de ramener cette facture à un peu moins de 4 milliards. Pour le seul budget 2021, Bercy chiffre ses pertes probables à 1,3 milliard d’euros», rapporte Le Figaro.
«Votre dette peut aller à l’infini»
Dans une tribune publiée le 5 février par Les Échos, Bernard Cohen-Hadad, président de la CPME Paris Île-de-France et François Perret, coprésident du think tank Institut Anaxagore faisaient part de leurs inquiétudes: «Près de 89% des bénéficiaires du PGE ont moins de dix salariés et dégagent un chiffre d’affaires n’excédant pas deux millions d’euros annuels […] Comment espérer raisonnablement que ces très petites entreprises pourraient trouver les ressources nécessaires pour rembourser le PGE en 2021-2022?»
Pour Guillaume Pepy, président du réseau de soutien aux créateurs d’entreprises Initiative France, 70% des PGE accordés aux très petites entreprises (TPE) pourraient faire défaut, d’après les retours qu’il a de sources bancaires. De quoi mettre sérieusement à mal les finances de l’État?
«Au risque de surprendre, cela n’a aucune importance. L’État français emprunte aujourd’hui à zéro et le fait majoritairement auprès de la Banque centrale européenne (BCE). Dans de telles conditions, votre dette peut aller à l’infini, puisque cela ne coûte rien d’emprunter», explique au micro de Sptunik Charles Gave, financier, économiste et président de l’Institut des libertés.
«Ce qui compte en cas de déficit, c’est le service de la dette et non la dette elle-même. Aujourd’hui, en France, celui-ci est beaucoup plus bas qu’il y a 20 ans, alors que la dette a explosé. Pourquoi? Car les taux d’intérêt ont drastiquement chuté», poursuit-il. En janvier 2000, la France empruntait à 10 ans à un taux qui dépassait les 5,5%. Ce 8 février à 15h25, ce même taux est négatif, à -0,209%.
Pour Charles Gave, en cas de problème, l’État «empruntera à nouveau pour rembourser». Et il devra rembourser, d’après les dires de Christine Lagarde. Invité de BFM Business et BFMTV le 7 février, la patronne de la BCE a prévenu: pas d’annulation de la dette Covid. «Les Français savent bien qu’une dette, ça se rembourse, ne pas rembourser ça coûte très cher», a-t-elle lancé.
Le président de l’Institut des libertés juge très sévèrement Christine Lagarde: «Madame Lagarde avait failli mettre le FMI en faillite lors de la crise argentine en prêtant au pays des sommes considérables. Je pense que Madame Lagarde ne comprend rien ni aux prêts ni à l’économie. C’est une avocate d’affaires, pas une économiste.»
La ruine des épargnants à petit feu?
D’après l’expert de la finance, Christine Lagarde participe à maintenir «un système imbécile qui peut durer tant que l’imbécilité demeure». «Comme disait Pompidou, “quand les bornes sont dépassées, il n’y a plus de limite”. On est dans le “plus de limite.” Nous ne sommes plus dans une économie rationnelle, mais dans une économie magique», ajoute-t-il.
Cela peut-il durer indéfiniment? «Un tel système induit la ruine des épargnants à petit feu», alerte Charles Gave. La politique de taux bas a une répercussion sur le rendement de nombreux produits d’épargne.
«Toutes les sommes que les Français ont perdues en gains sur leur contrat d’assurance-vie à cause de la politique de taux bas sont une sorte d’impôt. Les repas gratuits n’existent pas, il faut bien que quelqu’un paie», analyse Charles Gave.
Ce dernier pointe un effet domino: «Imaginez tous ceux dont les épargnants sont les clients. Prenons l’exemple de l’agence de voyages qui les amenait aux Baléares. Ils n’auront plus les moyens de partir donc l’agence fera faillite.»
«Pour sauver telle entreprise, trois seront mises en faillite sans que vous puissiez le voir. On vous montrera celles qu’on a sauvées et non les très nombreuses autres que l’on a sacrifiées à cause de la ruine des épargnants. Frédéric Bastiat, économiste et homme politique français, expliquait déjà cela en long, en large et en travers au XIXe siècle», conclut-il.