«L’ADN social et humain a toujours été présent au sein de l’UDF, du RPR, de l’UMP et désormais des LR. Ce n’est pas une nouveauté pour la droite républicaine. La crise sanitaire nous oblige à porter de nouvelles idées et de nouvelles propositions pour éviter qu’une génération se trouve entièrement sacrifiée», plaide au micro de Sputnik Éric Pauget, député LR des Alpes-Maritimes.
Mardi 2 février, l’Institut Montaigne, d’obédience libérale, a publié une étude chiffrant le programme économique présenté par le parti le 8 décembre dernier. Les conclusions de ce rapport sont sans appel. «Les mesures proposées par Les Républicains creuseraient encore un peu plus le trou abyssal dans les finances publiques alors que l’endettement de la France devrait dépasser 120% du PIB fin 2020, soit plus de 20 points de plus qu’avant la crise du Covid», écrit ainsi son auteur, François Ecalle, magistrat en disponibilité de la Cour des comptes. Une critique évidemment peu appréciée par le parti de centre droit.
Si Erwan Le Noan, consultant en stratégie au sein du cabinet Altermind, reconnaît que «la crise sociale impose évidemment un plan de secours de l’économie», il estime toutefois que «Les Républicains ont tort de prendre cette voie-là».
«Il est normal que l’État intervienne devant une situation de catastrophe, mais cela ne va pas pouvoir durer. La crise a aussi montré les insuffisances et les fragilités de l’État, ce qui devrait plutôt inciter Les Républicains à avoir un discours sur l’efficacité des services publics et de l’État.»
Et l’essayiste d’enfoncer le clou: «Ils ne le font pas, par paresse».
La crise sanitaire a incontestablement poussé Les Républicains à amorcer un virage social. «Ce serait une faute et une irresponsabilité de la part de la droite républicaine de ne pas voir la réalité d’une crise sociale majeure», lance ainsi Éric Pauget.
Virage social des LR: «paresse» ou «responsabilité»?
«Nous dénonçons la crise sociale majeure qui est en train de se produire et qui risque de s’installer pour toute une génération de jeunes», poursuit l’élu des Alpes-Maritimes.
«L’Institut Montaigne a raison de chiffrer notre programme économique, mais il manque le vrai chiffrage, le plus important, qui concerne le coût d’une génération sacrifiée! Combien coûtera cette crise sanitaire, qui deviendra une crise économique et sociale sans précédent?», s’inquiète Éric Pauget.
«Je ne suis pas convaincu qu’il y ait véritablement un “programme” des Républicains à l’heure actuelle: il y a plutôt des propositions opportunistes et non réfléchies. Il n’y a pas vraiment de travail sérieux derrière», assène Erwan Le Noan au micro de Sputnik.
Dans Le Parisien le 2 février dernier, Guillaume Peltier allait même jusqu’à proposer de rembourser la dette Covid-19 «à très longue échéance». Pour le vice-président de LR, il faudrait «isoler la dette Covid qui pèse sur nos comptes publics afin qu’elle devienne une dette perpétuelle ou une dette à échéance de 100 ans.»
«Une solution économique peu pertinente», selon Erwan Le Noan, «C’est l’idée qu’il y a de “l’argent magique” et qu’on peut dépenser tant qu’on veut sans contrainte. Or ce n’est pas vrai», dénonce celui qui est aussi membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique (FONDAPOL), classée à droite.
LR, convertis à «l’argent magique»?
Ce virage social au sein des LR fait en tout cas apparaître une ligne de fracture de plus en plus nette entre les tenants d’une droite dite «gaulliste» et la tendance plus libérale, incarnée par des personnalités comme Éric Woerth, lequel ne cache pas son scepticisme face au «bouclier contre la pauvreté» imaginé par son parti. «Rien ne sert d’être démagogique, il faut que le parti vise une amélioration de la situation sociale sur le moyen terme en dehors des mesures d’urgence, avec des solutions réalistes», plaide ainsi dans Le Monde l’ancien ministre du Budget de Nicolas Sarkozy.
LR menacé d’éclatement?
«Je ne suis pas sûr que la proposition d’augmenter la dépense publique fasse l’unanimité au sein des Républicains. Je doute très fortement que l’aile libérale de LR soutienne cette proposition», confirme Erwan Le Noan. De là à évoquer un schisme au sein du parti?
«Il y a bien évidemment différents courants, dont certains plus ou moins libéraux. L’important est d’avoir un socle de valeurs communes pour tendre la main aux plus fragiles. Je n’ai pas d’inquiétude sur la capacité de la droite républicaine à se retrouver sur ces sujets», tempère Éric Pauget.
Les récents appels du pied de Xavier Bertrand (qui a officiellement quitté LR en 2017, mais qui reste proche de son ancien parti) ou de Guillaume Peltier à l’adresse d’Arnaud Montebourg, candidat putatif à la Présidentielle de 2022, jettent malgré tout le trouble dans les rangs du parti de Christian Jacob.
«On n’en est pas encore là et ce ne serait pas forcément dans notre intérêt d’aller jusque-là. Tant mieux s’il y a des points de convergence sur certains points, mais le fait de s’afficher avec Arnaud Montebourg risquerait de brouiller le message vis-à-vis de notre électorat à droite», avance ainsi Éric Pauget.
«Cela contribuerait à brouiller les pistes ainsi que la compréhension des électeurs, lesquels ne sont pas forcément demandeurs d’un mélange des genres», abonde Erwan Le Noan.
De son côté, Erwan Le Noan veut croire qu’il existe «une voie intermédiaire entre le discours de facilité qui consiste à dépenser comme on veut et le discours de facilité qui consiste à promettre du sang et des larmes aux gens via la réduction contrainte et forcée de la dépense publique». Reste à savoir laquelle pour les LR.