C’était moins une! Ou moins deux jours pour être précis. Après avoir trouvé un accord avec la Russie in extremis le 29 janvier, les États-Unis ont ratifié, ce 3 février, la prorogation du traité New Start de limitation des armes nucléaires, deux jours avant son expiration.
Signé en 2010 à Prague par les Présidents Barack Obama et Dmitri Medvedev, l'accord New Start limite les arsenaux des deux puissances nucléaires à un maximum de 1.550 ogives déployées de chaque côté. Soit une réduction de près de 30 % par rapport à la limite précédente, fixée en 2002. Il plafonne aussi le nombre de lanceurs et de bombardiers lourds à 800.
Retour d’un «dialogue stratégique bilatéral»
Sous la présidence Trump, les négociations pour la prorogation du traité étaient presque au point mort. En grande partie du fait de la demande américaine d’inclure dans les pourparlers une autre puissance nucléaire majeure: la Chine. Face à cette impasse, le Président russe Vladimir Poutine avait proposé une extension d'un an sans condition préalable. Un délai supplémentaire visant à offrir aux deux pays la possibilité de mener des «négociations substantielles». Mais il s’était vu opposer une fin de non-recevoir.
C’est donc avec un brin de soulagement qu’a été accueillie la prolongation du New Start.
«C’est le retour à un dialogue stratégique bilatéral après de nombreuses années de blocage. Une période jalonnée par des sorties unilatérales de plusieurs traités», rappelle Benjamin Hautecouverture.
En effet, le mandat de Donald Trump avait été marqué par son unilatéralisme. Toujours au nom de la doctrine America first (l’Amérique d’abord), l’ex-Président avait dénoncé plusieurs accords internationaux de contrôle d’armement comme le traité sur les missiles terrestres de moyenne portée (INF) et Ciel ouvert, un traité d’observation aérienne mutuelle, afin de vérifier les mouvements militaires et la limitation des armements.
Effet domino?
D’après l’ancien Président américain, les États-Unis étaient le dindon de la farce. Selon lui, les autres acteurs ne respectaient pas les règles du jeu international, en particulier la Russie. «Les pays doivent être tenus responsables lorsqu'ils enfreignent les règles», déclarait en 2019 le secrétaire d'État Mike Pompeo au cours d'une conférence de presse. «La Russie a mis en péril les intérêts des États-Unis en matière de sécurité. Nous ne pouvons plus être limités par le traité alors que la Russie le viole sans vergogne», tonnait l’ancien chef de la diplomatie US.
Ces imprécations ont choqué Moscou. La Russie assurant avoir toujours respecté les termes de l’accord.
D’ailleurs, sur ce dossier, la position de la nouvelle Administration américaine semble aux antipodes de la posture de Donald Trump.
«Là, on a un coup d’arrêt de l’érosion des dispositifs de contrôle des armements. Les États-Unis acceptent de prolonger pour cinq ans l’application d’un traité qui est le cœur du dialogue stratégique bilatéral américano-russe depuis le début des années 1990. C’est une initiative majeure, même si on savait que ce serait probablement l’une des premières décisions de l’Administration Biden», analyse Benjamin Hautecouverture.
Ce n’est d’ailleurs pas un sujet qui a «généré de tensions contentieuses entre les États-Unis et la Russie, contrairement au traité INF», relève notre interlocuteur.
90% de l’armement nucléaire dans le monde
Néanmoins, c’est un premier pas qui pourrait ramener sur la table des négociations des sujets de contentieux comme ont pu l’être les traités Ciel ouvert ou INF.
«Ce sont d’autres sujets qui concernent soit une classe d’armes très spécifique, soit la maîtrise des armements conventionnels et qui impliquent d’autres parties, en particulier les Européens. Ces derniers souhaitent légitimement être intégrés aux nouveaux processus de discussion. Notamment en ce qui concerne les missiles à portée intermédiaire en Europe. On peut imaginer une reprise des échanges concernant ces enjeux, même s’ils ont d’autres implications», estime le chercheur.
La reprise d’un dialogue entre ces deux puissances sur des questions stratégiques pourrait donc avoir un effet positif sur les relations bilatérales de ces deux pays en général juge notre interlocuteur: «La prolongation du New Start peut ouvrir la voie à d’autres avancées dans le dialogue stratégique général entre les deux États. Les sujets ne manquent pas. Par exemple, les questions de défense anti-missile, les nouveaux systèmes d’armements duaux.»
Certes, il ne faut «sans doute pas s’attendre pour autant à la conclusion de grands accords de contrôle des armements bilatéraux entre les États-Unis et la Russie dans les années à venir». Mais la prolongation du traité New Start est «de bon augure» pour la prochaine conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) qui doit se tenir en août prochain à New York.