Vaccin russe, investissements, sécurité: l'ambassadeur français à Moscou s'exprime

Relations économiques, lutte contre le terrorisme, sécurité et contrôle des armements. Dans une interview à RIA Novosti, l’ambassadeur de France à Moscou Pierre Lévy aborde les différents niveaux des échanges franco-russes, dont certains sont des «piliers essentiels».
Sputnik

La situation sanitaire causée par la propagation du coronavirus a modifié le calendrier des échanges bilatéraux entre la France et la Russie. Paris et Moscou envisagent-ils toujours la venue d’Emmanuel Macron en Russie? Organisent-ils des rencontres entre les conseillers des dirigeants du «format Normandie»? Discutent-ils de la mise en place d’un moratoire sur le déploiement de missiles à courte et moyenne portée en Europe? L’ambassadeur de France en Russie Pierre Lévy répond à RIA Novosti.

Visite de Macron à Moscou

Bien que la visite d’Emmanuel Macron à Moscou, prévue au printemps 2020, ait été reportée à plusieurs reprises, Pierre Lévy constate «plusieurs missions officielles qui se sont déroulées dans les deux sens» l’an dernier.

«Les ministres de l’Intérieur et des Transports sont venus à Moscou. Quand le déplacement s’est avéré impossible, nous avons procédé par visioconférences. Les Présidents Macron et Poutine continuent de s’entretenir très régulièrement, tout comme les ministres. Compte tenu notamment de la situation sanitaire, il n’est, à ce stade, pas possible d’élaborer un calendrier précis pour une visite en Russie du Président Macron, mais la séquence reste toujours envisagée», indique l’ambassadeur français.

Concernant le report de la rencontre 2+2 entre les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de la Russie et de la France, l’ambassadeur Lévy informe que Paris «attend toujours des clarifications de la part de Moscou» sur l'affaire Navalny, se disant «préoccupé» par l'utilisation présumée de l’agent neurotoxique de type Novitchok.

«Nous avons souhaité reporter le Conseil de coopération sur les questions de Défense et de Sécurité [...] afin qu’il se réunisse dans des circonstances plus propices à un dialogue constructif. J’espère que nous réussirons à trouver le bon moment et le bon esprit».

Production conjointe du vaccin contre le coronavirus?

Sur la coopération dans le domaine de la santé, et surtout la production conjointe du vaccin contre le coronavirus, Pierre Lévy rappelle qu’Emmanuel Macron a dépêché à Moscou une mission scientifique française de haut niveau en novembre dernier.

«Nous nous tenons aux côtés de la Russie dans ses efforts de mise à disposition de vaccins sûrs et efficaces», assure-t-il auprès de RIA Novosti.

L’économie comme «un des piliers de relation»

Commentant les relations économiques entre les deux pays, l’ambassadeur français les a qualifiées d’«un des piliers» malgré les sanctions, «les investissements en Russie jouent un rôle fondamental».

«Les petites et moyennes entreprises et celles de taille intermédiaire françaises sont intéressées par la Russie mais se posent beaucoup de questions réglementaires ou de financements pour aborder ce marché difficile».

M.Lévy salue l’initiative des son pays de mettre en place la Cellule d'orientation financements et réglementations Russie (COFRR) pour accompagner les entreprises françaises intéressées par le marché russe. Selon lui, ce projet «offre un point de contact de proximité, en liaison avec la Direction générale du Trésor et BPI France».

«Son objectif est de répondre aux premières interrogations des entreprises intéressées par le marché russe. Son rôle d’information et d’orientation est parfaitement complémentaire du dispositif animé par le service économique de l’Ambassade de France en Russie avec ses partenaires, comme la CCI France Russie. Elle contribuera certainement à faciliter les relations commerciales entre nos pays», expose-t-il.

Une réunion des dirigeants des pays membres permanents du Conseil de sécurité

En juin dernier, Vladimir Poutine a proposé d’organiser une réunion avec les membres permanents du Conseil de sécurité (Russie, USA, Chine, France, Royaume-Uni). D’après l’ambassadeur, la France est «très favorable à la tenue de cette réunion».

«La France partage la conviction que les membres permanents du Conseil de Sécurité ont une responsabilité majeure pour préserver la paix et la sécurité internationales. La crise sanitaire actuelle nous rappelle l’importance de l’impératif d’action collective et du renforcement du système multilatéral».

Format Normandie

Quant au règlement du conflit dans l’est de l’Ukraine, Pierre Lévy souligne que les réunions des conseillers diplomatiques des chefs d’État et de gouvernement en format Normandie se poursuivent de façon régulière, ce qui selon lui permet des avancées concrètes «comme le réengagement au cessez-le-feu en juillet dernier ou les échanges de prisonniers de décembre 2019 et d’avril 2020».

«Notre objectif n’a pas changé, il s’agit de favoriser la mise en œuvre des engagements des chefs d’État et de gouvernement de Paris de décembre 2019 en vue d’une pleine application des accords de Minsk. Il faut être conscient de la nécessité de trouver «la bonne combinaison de ce verrou» pour relancer la relation entre l’Union européenne et la Russie».

Lutte contre le terrorisme

«La lutte contre le terrorisme est un défi commun», telle est la position de Paris, assure Pierre Lévy, ponctuant que «même au travers des moments les plus compliqués dans notre relation, nous avons toujours poursuivi notre coopération bilatérale pour assurer la sécurité des Français et des Russes, où qu’ils se trouvent».

«Les derniers attentats en France ont donné lieu à une vague de solidarité en Russie qui nous a beaucoup touchés. Il y a aussi eu des menaces publiques à notre encontre. La réaffirmation par les autorités fédérales du respect de la légalité et de leurs positions était attendue et a été appréciée.»

La sécurité et le contrôle des armements

Prolongation du traité New Start: Mikhaïl Gorbatchev donne son avis
La France salue la décision des États-Unis et de la Russie de proroger le traité sur la réduction des forces nucléaires stratégiques New Start pour une durée de cinq ans, fait savoir Pierre Lévy.

«La prolongation du traité New Start doit être rapidement suivie de la redéfinition d’un agenda ambitieux plus global de maîtrise des armements et de stabilité stratégique. Les Européens, qui sont concernés au premier chef, devront y jouer un rôle actif, pour en déterminer les paramètres nécessaires au renforcement de la sécurité et de la stabilité européennes».

Enfin, exprimant son regret quant à l’annonce par la Russie de son intention d’initier une procédure de retrait du traité Ciel ouvert, l’ambassadeur de France à Moscou Pierre Lévy espère cependant que la Russie «reconsidérera sa décision».

Discuter