Guerre civile au Darfour: «Il y aura encore plus de morts»

Le nouvel éclat de violence au Darfour a duré trois jours et a fait plus de 250 morts, selon les dernières estimations. Le conflit continue en dehors de la ville d’El-Genaïna et le nombre de victimes va sûrement augmenter, alerte auprès de Sputnik un expert local.
Sputnik

Le Darfour est déchiré par un conflit intercommunautaire depuis 2003. Les courts moments de paix sont interrompus par des explosions de violence entre les membres de la tribu arabe Rizeigat et la tribu non arabe Masalit, faisant à chaque fois des dizaines voir des centaines de morts.

«Encore plus de morts»

Après 13 ans, la mission conjointe des Nations unies et de l'Union africaine au Darfour (MINUAD) a terminé son mandat le 31 décembre 2020. Depuis, la région n’arrive plus à sortir d’une escalade de violences intercommunautaires ayant duré plusieurs jours, fait plus de 250 victimes et déplacé près de 100.000 personnes. Ahmat Yacoub Dabio, président et fondateur du Centre d'études pour le développement et la prévention de l'extrémisme (CEDPE), estime auprès de Sputnik que ce chiffre va augmenter.

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«Il y aura encore plus de morts, puisque le conflit continue en dehors de la ville d’El-Geneïna. Le conflit au Darfour a éclaté en 2003, entre le régime soudanais [d’Omar el-Bechir à l’époque, NDLR], qui est majoritairement arabe, et les rebelles de minorités ethniques qui s’estimaient marginalisés. Ce conflit depuis 2003 a fait des dizaines de milliers de morts et des milliers de déplacés».

Les Masalits ont «mijoté une sorte de vengeance»

Aujourd’hui, l’origine exacte de ce conflit est «la délicate question du partage des terres et de l’eau», ajoute l’expert. D’après lui, le nouveau point de départ de cette série de violences démarre en juillet 2020, à 48 kilomètres de la capitale de l’État du Darfour-Occidental, El-Geneïna. Une attaque meurtrière a eu lieu contre un village Masalit, faisant plus de soixante victimes et des centaines de blessés, avec des maisons pillées et incendiées. Depuis cet évènement, les Masalits qui «n’ont pas digéré ces attaques, mijotaient une vengeance», explique le président du CEDPE.

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«En l’absence d’un mécanisme de gestion de conflit et d’institutions judiciaires crédibles, les Masalits sont passés à l’attaque en pleine ville de Al-Genaïna. La vengeance des Masalits a été renforcée par des hommes armés revenus de la rébellion grâce à l’accord signé à Djouba, au Soudan du Sud, avec les autorités de Khartoum. Ils étaient intégrés dans l’armée et se trouvent dans un camp militaire à Al-Geneïna. Ce sont ces hommes-là qui ont lancé une attaque contre les Arabes, en pleine ville.»

Le Tchad envahi par les réfugiés soudanais

Le Tchad voisin se trouve depuis des années dans l’obligation d’accueillir des réfugiés soudanais, principalement des femmes et des enfants. Mais les Nations unies ont déclaré que les mesures actuelles du Tchad contre le Covid-19 obligeraient les déplacés à se mettre en quarantaine avant d’accéder aux camps de réfugiés existants. Avant le dernier afflux, il y avait plus de 350.000 réfugiés soudanais au Tchad, selon l’ONU. M.Yacoub Dabio estime que c’est un des gros problèmes de la région.

«Ce qui est inquiétant aujourd’hui c’est l’arrivée en masse de réfugiés soudanais vers le Tchad, il y a même des policiers soudanais qui sont venus rendre leurs armes aux autorités tchadiennes. Il y a une vague de réfugiés qui envahit le Tchad.»

«Reformer les institutions de médiation»

Dès que la MINUAD a quitté le Soudan fin décembre 2020, les autorités soudanaises de facto n’ont pas réussi à gérer la situation au Darfour. L’expert estime qu’une aide internationale pourrait être un complément pour renforcer avant tout une solution interne.

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«Le problème du Soudan aujourd’hui c’est la présence de plusieurs milices armées, dont la plus grande sont les Forces de soutien rapide (FSR) du général Hemetti. C’est une force importante, composée en grande partie d’une ethnie, qui de temps à autre, s’implique dans les conflits intercommunautaires dans la région.»

Pour le président du CEDPE, «la seule solution serait de désarmer les milices et appuyer les forces de sécurité et l’armée nationale», mais aussi renforcer les mécanismes de gestion des conflits à travers des institutions chargées de la protection non juridictionnelle des droits fondamentaux de la personne.

Et en même temps mettre en place une stratégie préventive à long terme qui consiste à introduire dans les écoles primaires une matière de prévention de conflit. D’après lui, «les conflits comme ça ne se règlent pas à travers la justice ou la force, mais à travers des mécanismes de médiations».

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