La Palestine, ultime perdante des élections américaines?

Les Palestiniens, lâchés par Donald Trump, pourront-ils compter sur Joe Biden? Ce dernier fera-t-il marche arrière sur les décisions-clés de son prédécesseur? Républicains ou Démocrates, les liens privilégiés entre Tel-Aviv et Washington limiteront toujours les démarches américaines en faveur des Palestiniens, estime Alex Issa, chercheur au CERI.
Sputnik

Joe Biden serait-il l’homme providentiel des Palestiniens? Le changement à la tête de la Maison-Blanche a été accueilli avec joie et enthousiasme en Palestine. En effet, le Président Démocrate voulant faire table rase de l’ère Trump en matière de politique étrangère, ne devrait pas manquer de revoir certains dossiers moyen-orientaux. Or, pour Alex Issa, docteur associé au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po Paris, les Palestiniens fêtent plus la défaite de Trump que la victoire de Biden.

«Les Palestiniens ont plutôt accueilli avec joie la défaite de Trump, qui a cherché à tuer leur cause (par la reconnaissance de la colonisation israélienne, l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem, l’arrêt du financement de l’UNRWA…). Pour son Plan de paix, les Palestiniens n’ont même pas été consultés […] Quel qu’ait été le candidat Démocrate face à Trump, il aurait été préférable face à ce dernier.»

En dépit des relations particulières qui existent entre les États-Unis et Israël, les Palestiniens pourraient-ils désormais espérer une sorte de ralentissement, un frein, dans le dépeçage territorial et la délégitimation de leur cause?

«Il ne faut pas s’attendre à un changement radical non plus. Les USA pourraient accorder une importance aux minorités dans leur discours, mais ils soutiendront toujours Israël. Il ne faut pas oublier que les USA ont toujours été les “protecteurs” d’Israël sur la scène internationale et cela ne va pas changer», martèle le chercheur au CERI.

Israël ne semble pourtant pas si rassuré. «Si Biden adopte le plan d’Obama, nous n’aurons rien à discuter avec lui», affirmait un haut responsable israélien à la chaîne israélienne Channel 12, en référence à la volonté du nouveau Président américain de revenir dans l’accord sur le nucléaire iranien. Après une lune de miel avec les USA sous Trump, les inquiétudes se multiplieraient à Tel-Aviv face à l’arrivée de l’ancien Vice-Président d’Obama. Israël doit-il craindre une éventuelle politique plus ouverte aux attentes palestiniennes?

Relations avec les USA: Israël joue-t-il à se faire peur?

Alex Issa rappelle que Biden avait déjà annoncé avant son élection sa position pro-israélienne. Antony Blinken, nommé secrétaire d’État par Joe Bide, assurait le 19 janvier lors de son audition de confirmation devant une commission sénatoriale, que les États-Unis s’engageaient à conserver leur ambassade à Jérusalem. Le futur chef de la diplomatie américaine expliquait ainsi que la seule issue viable au conflit israélo-palestinien était «la solution à deux États». Mais Washington semble prêt à lâcher un peu de lest, au moins symboliquement:

«Il pourrait adopter une politique plus modérée ou moins agressive [envers les Palestiniens, ndlr], sans que ne cela n’affecte vraiment les relations israélo-américaines, rebondit Alex Issa. Biden a annoncé qu’il reprendrait le financement de l’UNRWA et a confirmé ses intentions de renouer des liens avec les autorités palestiniennes.»

Israël peut-il empêcher Biden de revenir dans l’accord sur le nucléaire iranien?
Joe Biden l’a martelé: changer l’image des États-Unis à l’international et enterrer l’ère Trump est sa priorité. Dans le dossier palestinien, les paroles seront-elles suivies par des actes? Rien n’est moins sûr. Pour rappel, après le discours du Caire de Barack Obama en 2009, adressé au monde musulman pour dissiper sa méfiance vis-à-vis des USA, rien n’a véritablement changé, notamment pour la Palestine.

Washington et les Palestiniens: paroles, paroles, paroles… 

Au contraire, l’aide allouée à Israël a augmenté sous le deuxième mandat d’Obama, passant de trois à quatre milliards de dollars. Le renforcement des liens avec Israël se poursuivra sous Biden, assure Alex Issa. Reste la question des relations entre l’État hébreu et les pays arabes:

«Trump a déjà contribué à la normalisation des relations entre Israël et les pays arabes qui n’avaient pas vraiment de véritables problèmes avec Israël: les Émirats arabes unis avaient déjà des relations informelles, le Maroc possède une minorité juive influente, etc. Une grande partie des pays arabes restants (Liban, Syrie, Algérie, par exemple) sont plus réticents: le Liban et la Syrie ont une histoire conflictuelle avec Israël», rappelle le chercheur.

Des accords perçus par les Palestiniens comme trahison de la part de leurs voisins arabes. Et tout porte à croire que ce n’est pas l’arrivée de Joe Biden qui les remettra en cause, conclut Alex Issa.

Discuter