Vaccins anti-Covid: Bruxelles, a-t-il fait pression sur l'Agence européenne des médicaments?

Consultés par Le Monde après qu’ils ont été publiés sur le Dark Web par des hackers, plusieurs documents de l’Agence européenne des médicaments signalent que cette dernière a fait face à des pressions de la part de Bruxelles pour autoriser au plus vite l’utilisation du vaccin Pfizer-BioNTech.
Sputnik

Une enquête du Monde publiée samedi 16 janvier révèle que les autorités européennes ont fait pression sur l’Agence européenne des médicaments (AEM) afin qu’elle approuve au plus vite le vaccin anti-Covid fabriqué par Pfizer-BioNTech.

Le quotidien cite notamment de nombreux courriels qui ont été dérobés à l’AEM par des hackers et qui sont apparus le 9 décembre sur le Dark Web. Par exemple, dans un échange avec une responsable de l’AEM, la commissaire européenne à la Santé, Stella Kyriakides, insiste sur l’importance de ne pas «forcer» les États membres à utiliser des procédures nationales à cause de délais dans le processus d’autorisation officiel.

Dans un autre e-mail, un haut responsable de l’AEM parle d’une conférence téléphonique avec la Commission européenne qui s’est tenue, selon lui, dans «une atmosphère plutôt tendue, parfois même un peu désagréable, qui donne une idée de ce à quoi l’AEM peut s’attendre si les attentes ne sont pas satisfaites, que ces attentes soient réalistes ou non».

Le même responsable s’est également dit surpris que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ait «clairement identifié» les vaccins de Pfizer-BioNTech et de Moderna comme ceux qui «pourraient être approuvés avant la fin de l’année», alors que, selon cet agent, «il y a encore des problèmes avec les deux».

Une «objection majeure»

Comme l’indique Le Monde, en novembre l’AEM reprochait au vaccin Pfizer-BioNTech, comme une des «objections majeures», que le degré d’intégrité de l’ARN dans des lots commerciaux était plus faible que dans ceux qui avaient servi durant les essais cliniques. Les vaccins injectés au cours des essais cliniques possédaient entre 69% et 81% d’ARN «intègre», l’élément essentiel pour apprendre au système immunitaire à reconnaître le virus. En revanche, des lots commerciaux n’en avaient qu’en moyenne 59% ou même 51%, ce qui était insuffisant pour produire un vaccin efficace.

Des documents montrent également que les fabricants ont réussi à relever le taux d’intégrité de l’ARN à un niveau autour de 75%. Cependant, le 3 décembre, rappelle le quotidien français, le Wall Street Journal a cité une « personne directement impliquée dans le développement du vaccin Pfizer» qui évoquait «certains premiers lots de matières premières [qui] ne répondaient pas aux normes». D’après cette personne, le problème a été résolu mais a perturbé des expéditions prévues pour l’année 2020.

Pfizer n’a pas alors révélé de quel genre de problème il s’agissait mais le 15 janvier BioNTech et Pfizer ont annoncé de nouveaux retards de livraison, les expliquant par des travaux nécessaires dans l’usine de Puurs, en Belgique.

De son côté, l’AEM souligne que le problème de qualité a été réglé et que les spécifications actuelles sur le niveau d’ARN «sont considérées comme scientifiquement justifiées et acceptables».

Réaction de la Commission européenne

Quoi qu’il en soit, l’AEM confirme au Monde que «les courriels divulgués reflètent les problèmes et les discussions qui ont eu lieu». La Commission européenne, elle, a assuré au quotidien que ces discussions n’avaient «jamais empiété sur l’indépendance de l’agence» et «jamais interférer de quelque manière que ce soit avec l’intégrité de la mission de l’AEM en ce qui concerne l’évaluation des candidats-vaccins ou d’autres médicaments».

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