Déjà sérieusement affecté par de multiples crises en 2019, le Cameroun démarre la nouvelle année dans le sang. Sur les dix premiers jours de janvier, une trentaine de personnes ont péri, victimes de violences.
Les attaques de Boko Haram ont connu une progression fulgurante ces derniers mois. Le 8 janvier, dans la partie septentrionale du pays, une offensive de la secte a fait au moins 13 morts dans le village Mozogo, région de l’Extrême-Nord. Une récente étude d’un organisme du département d’État américain soulignait que le Cameroun avait connu «la plus forte poussée de violences de Boko Haram» contre les civils dans le bassin du lac Tchad.
Akere Muna, leader anglophone, dénonce cet autre massacre et demande une enquête.
Si les séparatistes attribuent cette attaque à l’armée camerounaise, celle-ci a réagi pour démentir par le biais d’un communiqué rendu public le 11 janvier. Cyrille Serge Atonfack, porte-parole du ministère de la Défense, y reconnaît que des soldats ont mené «un raid préventif sur les positions des groupes terroristes le dimanche 10 janvier 2021» dans un camp de combattants séparatistes, dans la localité de Mautu dans le Sud-Ouest. Au terme de cet accrochage, «plusieurs terroristes ont été neutralisés, d’autres blessés et en fuite».
«[Au cours de la soirée de l’opération] des leaders terroristes à la solde de la sécession et manifestement dépassés par les événements ont conçu dans leurs officines occultes un fatras d’images macabres pour essayer de faire endosser aux forces de défense un aveugle massacre», peut-on lire.
Déjà submergé par la crise séparatiste qui peine à trouver une issue, le Cameroun est aussi confronté à l’est aux débordements du conflit en Centrafrique.
L’épine centrafricaine
La République centrafricaine (RCA), meurtrie par des années de guerre civile, a fait son retour au centre de l’actualité à l’occasion de la dernière présidentielle. Les violences y sont montées d’un cran et progressivement, la ville frontalière de Garoua Boulai commence à en ressentir les conséquences.
Au cours d’une visite dans cette localité le 6 janvier dernier, le général René Claude Meka, chef d’État-major des armées camerounaises, soulignait la nécessité de «garantir l’efficacité des mesures prises pour éviter» que le pays ne soit débordé par la crise en RCA. D’ailleurs, Paul Biya y a dépêché son ministre de l’Administration territoriale depuis le 10 janvier pour s’assurer, entre autres, du déploiement des forces de défense et de sécurité sur le corridor et les postes-frontières et prescrire «la vigilance et l’anticipation».
Un cercle vicieux?
Si les autorités camerounaises sont en état d’alerte depuis la résurgence des violences en RCA, c’est parce qu’il y a lieu de craindre «un effet domino», soutient Hippolyte Éric Djounguep, géopolitologue, chercheur à l'École supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication de Yaoundé. Pour lui, «le Cameroun où sévit la tragédie d'une guerre civile et les frappes continues de Boko Haram est un terreau favorable et un relais propice à la crise centrafricaine». Il en veut pour preuve les nombreuses dérives déjà enregistrées dans les localités frontalières.
«La criminalité, les règlements de comptes des populations réfugiées souvent stigmatisées, les trafics de biens et de personnes, le commerce des armes de part et d'autre de la frontière sont quelques exemples de la note salée de la crise en RCA que paie le Cameroun», souligne-t-il au micro de Sputnik.
Pris en tenaille entre ces nombreuses crises, le Cameroun semble coincé dans une spirale infernale. Si, dans la partie septentrionale, le combat contre Boko Haram dépend de l’action concertée entre les pays du bassin du lac du Tchad, la solution à la guerre séparatiste dans les régions anglophones quant à elle tarde toujours.
Dans un récent entretien accordé à Sputnik, le cardinal Christian Tumi, leader religieux anglophone, préconisait le cessez-le-feu comme préalable à tout dialogue. Une position partagée par Maurice Kamto –farouche opposant de Paul Biya– dans un message publié sur les réseaux sociaux au lendemain des nombreux drames de ce début d’année.
Alors que le pays est déchiqueté par ces multiples crises sécuritaires, une question revient de plus en plus au centre de l’actualité: à 87 ans, dont 38 au pouvoir, que peut encore Paul Biya face à ces conflits protéiformes?