«Contrairement à l’Afghanistan, où ils se cachaient dans les montagnes, Al-Qaïda* opère aujourd’hui sous la dure carapace de la protection du régime iranien», a lancé Mike Pompeo, secrétaire d’État américain, dans un discours à Washington, ce 12 janvier.
Une accusation lourde que le ministre iranien des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, a démentie dans la foulée, indiquant qu’il s’agissait de «mensonges bellicistes».
«Personne n’est dupe. Tous les terroristes du 11 septembre venaient “des destinations” préférées de Pompeo au Moyen-Orient. Aucun d’Iran», a écrit le ministre sur son compte Twitter.
Une allusion à peine masquée aux nombreux voyages de Mike Pompeo dans les pays du Golfe persique, notamment à ceux en Arabie saoudite, d’où venaient 15 des 19 djihadistes responsables du 11 septembre.
Al-Qaïda* et les chiites
La géopolitologue Myriam Benraad, chercheuse associée à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (IREMAM), évoque dans un entretien à Sputnik la différence entre Al-Qaïda* et Daech* qui pourrait justifier les spéculations de Washington sur Téhéran.
«On peut présumer la présence d’un certain nombre de cadres d’Al-Qaïda*, qui ont trouvé refuge en Iran. Al-Qaïda* n’est pas un groupe qui, comme l’État islamique* l’a fait, a déclaré la guerre aux chiites. La vieille garde du groupe djihadiste n’a pas déclaré de guerre sectaire envers les chiites et l’Iran a pu servir de base de transit à un certain nombre de djihadistes.»
La chercheuse prend d’ailleurs l’exemple de l’assassinat présumé en Iran numéro deux d’Al-Qaïda*, Abdullah Ahmed Abdullah, plus connu sous le nom de guerre Abou Mohammed al-Masri. Ce dernier aurait été tué dans un «drive-by shooting» dans les rues de Téhéran en août dernier par des agents de terrain du Mossad, grâce à des renseignements fournis par la CIA. Une information révélée par la presse américaine en novembre 2020 et confirmée par un cadre d’Al-Qaïda*.
Une accusation politique
Celle-ci explique que durant les dernières décennies, certains djihadistes d’Al-Qaïda* ont pu effectivement transiter par l’Iran, particulièrement durant la guerre en Afghanistan.
Néanmoins, Myriam Benraad tend à tempérer les accusations de Washington envers Téhéran, estimant que celles-ci s’inscrivent dans le contexte des relations tendues entre les deux pays et qu’elles sont, par conséquent, à prendre avec des pincettes.
«Aller jusqu’à dire avec emphase et exagération, comme c’est souvent le cas dans les déclarations américaines sur le sujet, que l’Iran est une base arrière d’Al-Qaïda* pour appuyer cette optique de l’Administration Trump de diabolisation absolue de l’Iran, ce n’est pas étonnant, mais ça ne correspond pas à la réalité», explique-t-elle.
Au moment de l’assassinat présumé d’al-Masri, Thierry Coville, chercheur sur l’Iran à l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), estimait au micro de Sputnik que les divergences entre Téhéran et le groupe terroriste étaient en réalité très profondes:
«L’opposition entre Al-Qaïda* et l’Iran est telle qu’elle justifie la présence de forces iraniennes en Syrie pour lutter contre ce qu’ils appellent les “takfiri” [“excommunicateurs” en arabe, ndlr]. Aujourd’hui encore, des forces iraniennes se battent aux côtés des forces de Bachar el-Assad contre des groupes liés à Al-Qaïda* ou successeurs d’Al-Qaïda*», rappelait-il.
«De plus, ces commentaires viennent de Mike Pompeo, qui est un faucon totalement sur la ligne de diabolisation de l’Iran. Ces commentaires ne sont donc pas surprenants», conclut Myriam Benraad.
*Organisation terroriste interdite en Russie