Lors d’un entretien accordé à Sputnik, l’expert turc en relations internationales Baris Doster a expliqué la politique de coopération militaire menée par l’Arabie saoudite et Israël avec la Grèce sur la position de la Turquie en Méditerranée orientale.
En effet, la semaine dernière, des informations relayées par des médias turcs ont fait état d’un déploiement d’avions de combat saoudiens F-15 sur l’île de la Crète à la demande de la Grèce, en plus d’un accord sur la création d’une école d’aviation militaire conclu entre Athènes et Tel-Aviv, annoncé par le ministre israélien de la Défense Benny Gantz.
«Isoler la Turquie en Méditerranée orientale»
«Les récentes mesures prises par l’Arabie saoudite, qui a envoyé des avions de combat sur l’île de Crète, et Israël qui a signé un important accord de coopération militaire avec la Grèce, visent à isoler la Turquie en Méditerranée orientale», affirme l’expert.
Les raisons géostratégiques
Les tensions se sont exacerbées entre la Grèce et la Turquie après que cette dernière a lancé des prospections de gaz dans une région disputée en Méditerranée orientale. L’Égypte s’était également sentie lésée, en particulier après l’accord signé entre Ankara et le Gouvernement d’union nationale (GNA) libyen sur la délimitation de la zone maritime exclusive. Israël compte de son côté obtenir sa part des gisements de gaz dans cette région de la Méditerranée où il voit d’un mauvais œil la politique d’Ankara.
Bien que n’ayant pas de côte en Méditerranée, l’Arabie saoudite souhaite limiter l’influence turque dans la région arabe, notamment en Syrie et au Liban, et ainsi contrer son soutien à la confrérie des Frères musulmans*.
Dans le même sens, lors d’une déclaration à la chaîne Sky News Arabia lundi 11 janvier, le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis Anwar Gargash a déclaré que «nous voulons dire à la Turquie que nous aimerions avoir avec elle des relations normales et amicales qui respectent mutuellement nos souverainetés […]. Nous voulons qu’Ankara cesse d’être le principal sponsor des Frères musulmans* et qu’elle change de cap dans ses relations avec les pays arabes».
À ce propos, il a souligné qu’il «y avait une grande sensibilité dans les pays de la région quant au rôle des Frères musulmans* et leur activité subversive». «Soutenir cette confrérie n’est pas dans l’intérêt des relations de la Turquie avec les pays arabes», a-t-il prévenu.
Quid du changement de Président aux États-Unis?
Pour Baris Doster, l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche le 20 janvier «ne changera rien à la politique étrangère des États-Unis, en particulier concernant ses intérêts au Moyen-Orient».
Dans ce sens, le spécialiste estime que la Turquie «doit continuer les mesures d’apaisement qu’elle a prises, bien que tardivement, concernant la Libye, et elle doit absolument essayer de réchauffer les relations avec d’autres pays de la Méditerranée, en particulier avec la Syrie, l’Égypte et Israël».
«Ces mesures seront mutuellement bénéfiques et limiteront l’ingérence de puissances extérieures dans la région, en particulier les États-Unis et l’Union européenne», conclut-il.
En décembre, l’UE a décidé d’adopter des sanctions ciblées contre la Turquie pour ses activités en Méditerranée orientale.
*Organisation terroriste interdite en Russie