Passe d’armes numérique. À la suite des événements du Capitole, qui ont sidéré l’opinion publique américaine et internationale, Twitter a décidé de frapper un grand coup. Pour la première fois, la célèbre plateforme de micro-blogging a bloqué pour quelques heures le compte de Donald Trump, mercredi 6 janvier. Pour se justifier, le réseau social a invoqué «la situation de violence sans précédent en cours à Washington». Une effervescence se traduisant, d’ailleurs, par la publication de 450 tweets par seconde!
«Nous avons exigé la suppression de trois tweets de Donald Trump qui ont été publiés plus tôt dans la journée pour des violations répétées et graves de notre politique d'intégrité civique», a expliqué le réseau social.
Des tweets qui comprenaient notamment une vidéo où le président sortant appelait les manifestants à «rentrer chez [eux] calmement», n’oubliant pas d’ajouter «on nous a volé l’élection».
Les ennuis volant en escadrille, des mesures similaires ont également été prises du côté de Facebook et YouTube, qui ont décidé à leur tour de supprimer ladite vidéo. «C’est une situation d’urgence et nous prenons des mesures d’urgence appropriées, y compris le retrait de la vidéo du président Trump […], qui, au final, contribue au risque de violence au lieu de le diminuer», a justifié Guy Rosen, l’un des vice-présidents de Facebook, chargé de l’intégrité de la plateforme. Par ailleurs, Mark Zuckerberg a annoncé ce jeudi 7 janvier que les comptes Facebook et Instagram de Donald Trump seront bloqués «pour une durée indéterminée, au moins pour les deux prochaines semaines, jusqu’à ce que la transition pacifique du pouvoir soit terminée».
Des plateformes de plus en plus fermes
Néanmoins, avec la censure immédiate et directe du compte de Donald Trump, suivi par près de 88 millions de personnes, un nouveau cap semble être franchi. D’ailleurs, Facebook et Twitter sont régulièrement accusés de pratiquer une censure politique. Une censure qui pourrait aussi être justifiée par des impératifs économiques. En effet, la publicité étant au cœur de leur «business model», ne serait-ce donc pas la crainte de voir les annonceurs les boycotter ou se détourner d’eux qui les pousserait à surréagir?
Censure politique ou vulgaire cynisme?
Pour François-Bernard Huyghe, il y a une «question d’image de marque». Et pour cause, «ce n’est pas bon pour la réputation de Facebook, de Twitter et autres d’être considérés par la classe cultivée comme l’écosystème des fausses informations, des complotistes, des QAnons», énumère le politologue.
«Il y a une fracture énorme dans la société américaine, notamment avec les incidents du Capitole. Les grands du Net ne veulent pas être compromis sur la diffusion d’informations incitant à la haine ou à la violence dans ce passage de relais présidentiel», observe-t-il.
«Tous ces facteurs font que les grands du Net ne sont pas très favorables aux idées conservatrices, par intérêt et par conviction sincère. Il peut donc y avoir une sorte de censure, de pesanteur idéologique, mais comme dans tous les milieux. Il y a une tendance idéologique dominante et des idées qui sont mal vues», nuance François-Bernard Huyghe.
Au-delà de cette dimension politique, faut-il s’inquiéter de voir qu’un réseau social peut faire plier le Président des États-Unis? Pas de doute pour François-Bernard Huyghe: «En vérité, cela veut dire que ce réseau social est plus puissant que le peuple.»
«Nous déléguons à des sociétés de droit privé internationales, qui ne se préoccupent pas vraiment de la souveraineté, qui font des choses parfois douteuses, le droit de dire ce qui est vrai ou pas, ce qui haineux ou pas. Et surtout, ce qui a le droit d’atteindre notre cerveau. On délègue ce pouvoir à des instances techniques sur lesquelles on n’a guère de contrôle démocratique», tacle-t-il pour conclure.