«Le monde entier regarde la Géorgie.» Donald Trump ne pouvait pas si bien dire: c’est en effet dans cet État du sud des États-Unis que se jouera une grande partie du mandat de Joe Biden, désigné Président par les grands électeurs américains le 14 décembre dernier.
Ne resterait alors au camp conservateur que la Cour suprême, au sein de laquelle ils restent majoritaires (six juges conservateurs contre trois juges progressistes). «Le juge Roberts, qui en est le président, a néanmoins pris récemment des décisions plus favorables aux Démocrates qu’aux Républicains», tempère notre interlocuteur.
Des écarts très serrés
Les Démocrates peuvent-ils rééditer l’exploit et l’emporter dans cet État historiquement républicain? Au premier tour, le Républicain David Perdue, sénateur de la Géorgie depuis 2015, et son jeune adversaire démocrate, Jon Ossoff (33 ans), ont obtenu moins de 50% des voix (49,7% pour le premier, 47,9% pour le second). Dans l’autre élection, la sénatrice républicaine Kelly Loeffler a recueilli 25,9% des suffrages face au Démocrate Raphael Warnock. Celui-ci, pasteur d’une église baptiste d’Atlanta dans laquelle Martin Luther King a lui-même prêché, a obtenu 32,9% de suffrages.
Joe Biden, maître de l’Amérique?
Les écarts restent donc serrés. Tout dépendra de la mobilisation des électeurs des deux camps. Selon la moyenne des sondages réalisée par le site de référence FiveThirtyEight, les Démocrates ont désormais une très légère avance (+1,8 point pour Jon Ossoff et +2,1 points pour Raphael Warnock). Il leur faudra de toute façon ravir les deux sièges pour rendre le Sénat à majorité bleue: en l’état actuel des choses, les Républicains comptent cinquante sénateurs contre quarante-huit pour les Démocrates. En cas d’égalité à 50-50 lors d’un vote, «c’est le président du Sénat, en l’occurrence la vice-présidente [Kamala Harris, la colistière de Joe Biden, ndlr], qui serait susceptible d’apporter le vote décisif», précise Gérald Olivier au micro de Sputnik.
«Le risque est que cette élection décrédibilise un peu plus le système politique américain»
L’autre enjeu concerne les conditions du vote. Là encore, une partie de l’électorat conservateur n’a pas caché son exaspération. Comme pour l’élection du 3 novembre, les électeurs ont plusieurs possibilités pour voter: par courrier, en personne par anticipation ou le jour même du scrutin.
3 millions d’électeurs ont déjà voté par anticipation, dont 1,2 million par correspondance (les fameux absentee ballots, très décriés par le camp de Donald Trump lors de l’élection présidentielle en raison de possibles manipulations sur le vote par voie postale notamment).
«Le risque est que cette élection décrédibilise un peu plus le système politique si les Républicains sont renversés une fois de plus par le vote par correspondance, au bout de quelques jours de décompte», alerte ainsi Gérald Olivier.
Car les résultats pourraient une fois de plus se faire attendre. Le verdict de l’élection présidentielle n’avait ainsi été confirmé que le 20 novembre dernier. Soit dix-sept jours après la tenue du vote aux États-Unis. Le scénario pourrait se répéter avec le décompte très lent du vote par correspondance. Les contestations du camp conservateur ne manqueraient pas d’advenir si le vote des absents était à nouveau favorable aux deux candidats démocrates.
Un «cadeau empoisonné» pour Joe Biden
«Les Démocrates sont en réalité très divisés: l’aile progressiste, très à gauche, emmenée notamment par Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez [élue du Congrès américain proche de Bernie Sanders, ndlr], peut très vite s’opposer à la ligne centriste de Joe Biden. Les Démocrates seraient alors face à leurs propres démons et seraient contraints de se révéler sur leurs véritables positions», décrypte Gérald Olivier.
Une nouvelle défaite des Républicains marquerait en revanche la fin d’une époque pour le parti conservateur, largement dominée par la «figure encombrante» de Donald Trump pour une partie des élus républicains qui «seraient très heureux de s’en débarrasser», croit savoir notre interlocuteur.
«Le Parti républicain va devoir faire le tri en son sein. Il y aura inévitablement une scission entre les élus qui sont prêts à suivre Donald Trump, pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme des manipulations de l’élection présidentielle, et ceux qui admettent la défaite de Trump et ne souhaitent pas se rebeller. Dès lors qu’il ne sera plus Président, la contestation pourra se faire jour.»