Le fameux «code de déontologie» des imams est au point mort. Reçues par Emmanuel Macron le 18 novembre, les neuf fédérations composant le Conseil français du culte musulman (CFCM) avaient quinze jours pour présenter une charte républicaine destinée à la formation des imams. Aucun consensus ne semble émerger, malgré la bonne volonté affichée du Conseil français du culte musulman lors de son audition à l’Élysée.
Séparatisme ou divergences légitimes?
Des «échanges sont toujours en cours en interne», tient à préciser Anouar Kbibech. D’aillleurs, le président du Rassemblement des musulmans de France, l’une des neuf fédérations du CFCM, ne voulant pas «compromettre le travail en cours», refuse de s’exprimer sur la charte ou sur les querelles qui tiraillent le CFCM. Querelles qu’il juge toutes relatives, répétant le dévouement aux valeurs républicaines de l’institution créée par Nicolas Sarkozy, qu’il a lui-même présidée de 2015 à 2017:
«Le CFCM est une instance qui existe depuis 2003 et qui regroupe toutes les sensibilités de l’Islam de France; toutes les fédérations qui débattent autour de la table se déclarent respectueuses des valeurs et des lois de la République et veulent travailler à un islam républicain.»
Plusieurs points mécontenteraient toutefois les trois associations réfractaires, selon Mohammed Sifaoui. D’abord, la redéfinition de la laïcité, notamment dans le cadre scolaire. La charte aurait postulé qu’«aucune autorité religieuse ne peut remettre en question des méthodes pédagogiques». Semblent également demeurer certaines incompatibilités sur la non-criminalisation de l’apostasie et le droit de renoncer à une religion, puisque Musulmans de France s’y montre hostile.
Pour certains détracteurs de la démarche gouvernementale, les discordances exposées dans le JDD illustreraient la fin de l’illusion sur le séparatisme. Plusieurs responsables politiques, à l’instar de Bruno Retailleau, y voient là l’échec de l’Islam républicain et le laxisme du pouvoir, qui aurait dû rédiger lui-même le texte.
D’autant plus que la charte alternative, mijotée dans leur coin par les fédérations mécontentes, a par ailleurs été approuvée par l’ex-représentant du CCIF qui, rappelle le JDD, a été dissous à la demande de Gérald Darmanin.
«Sur le fond, tout le monde est d’accord»
Sans vouloir entrer dans ces détails fâcheux, le membre éminent du Conseil musulman reconnaît toutefois des désaccords internes. Des différends qu’il juge tout naturels, selon lui inhérents à toute organisation: l’adhésion commune n’empêcherait pas toutes les «différences de points de vue, tout comme au sein d’un parti politique ou d’un gouvernement», plaide-t-il.
Anouar Kbibech veut donc croire qu’un accord est toujours possible, et qu’Emmanuel Macron gardera patience avant de le valider pour de bon.
«Ce qui a été dit devant le Président de la République est toujours valable. Toutes les fédérations sont parties prenantes et volontaires pour signer une charte des valeurs républicaines. Et, même s’il y a encore des divergences, sur le fond, tout le monde est d’accord», continue de penser le président du RMF.
Mais les mots prononcés le 18 novembre par le Président de la République n’étaient pourtant pas dénués de menace: «Il y aura ceux qui signeront et ceux qui ne signeront pas. On en tirera les enseignements. Soit vous êtes avec la République, soit vous n’êtes pas avec la République», avait déclaré le chef de l’État, visant les organes les plus récalcitrants. Les discussions ne semblent pas terminées