La France déploie sa présence militaire dans le Pacifique.
Le journal japonais Sankei shimbun, cité par l’agence Reuters, a annoncé le 6 décembre l’organisation d’exercices militaires conjoints sur terre et en mer sur une île inhabitée du Japon, avec les forces américaines et françaises. Des entraînements qui comporteront des procédures de secours après une catastrophe naturelle, mais qui pourraient surtout inclure des manœuvres de défense contre une attaque.
Selon le Sankei shimbun, il est évident que ces exercices visent Pékin, dans le cadre de disputes territoriales autour des îles Senkaku (nommées Diaoyutai par la Chine), contrôlées par le Japon dans la mer de Chine orientale. L’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la marine française, l’a confirmé: «nous voulons montrer notre présence dans la région et envoyer un message sur la coopération franco-japonaise». Un message «qui s’adresse à la Chine» au sujet des «partenariats multilatéraux et la liberté de passage.»
Le «comportement conquérant» de la Chine
Le même responsable militaire français dénonçait dans un entretien à l’AFP le 30 novembre le «comportement conquérant» de la Chine dans la région indo-pacifique, notant l’évolution très rapide du rapport de forces militaire: «les équilibres militaires qui prévalaient depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale sont en train d’être rebattus». Une pression «chinoise» qui préoccupe la France, soucieuse de liberté de navigation face «à la poldérisation de la mer de Chine et la sanctuarisation des eaux territoriales.» Il indique ainsi que le nombre de plateformes navales chinoises a «dépassé celui de l’US Navy».
«Si vous détenez une île, vous avez une mer territoriale de 12 milles et une zone continue, un navire de guerre étranger doit obtenir une autorisation pour passer dans ses eaux territoriales. Par contre pour un îlot, le navire n’aura pas à demander cette autorisation, parce qu’il n’est pas reconnu comme une île par le droit international.»
C’est ainsi qu’il déclare que les Chinois «se sont emparés de ces petits îlots» contestés par différents pays, tels que le Japon, mais aussi les Philippines et le Vietnam, ont mis en place la poldérisation puis décrété «des zones aériennes sous surveillance et évidemment une zone économique exclusive de 200 milles.»
Dans le cadre des FONOPs (Freedom of Navigation Operations), la frégate française «Vendémiaire» avait franchi en avril 2019 le détroit de Taiwan, ce qui avait provoqué des tensions avec Pékin, ce dernier ayant accusé le navire d’avoir navigué «illégalement» dans «les eaux chinoises».
La constitution d’un axe néo-occidental dans la région indo-pacifique
L’inquiétude de Paris et ces manœuvres militaires vis-à-vis de la Chine soulignent la tentative de la France de se positionner dans le Grand Jeu en cours dans la zone Indo-pacifique, voire de s’insérer aux côtés des États-Unis dans la guerre froide qui les opposent à la Chine. Le discours de Sydney d’Emmanuel Macron en mai 2018 vantant les vertus d’un axe stratégique occidental en est la preuve, la création du premier ambassadeur français chargé de l’Indo-pacifique en septembre 2020 en est une autre. «La France a une petite flotte à Nouméa et puis à Papeete» observe Eugène Berg, ce qui peut toutefois conduire à relativiser les ambitions de Paris, comparées à la démesure des flottes chinoise et américaine:
«La France est une puissance du Pacifique, on a trois territoires dans le Pacifique, on joue le jeu et le rôle d’une puissance “libérale”, avec la navigation ouverte. On souhaite que le droit international soit respecté à ce titre. On s’allie avec les pays qui partagent le même point de vue c’est-à-dire les États-Unis, le Japon, l’Inde, Singapour et ainsi de suite.»
«Il y a deux camps qui se préparent, qui ne sont pas encore formalisés, il y a la Chine tellement puissante, avec ses alliés, et puis il y a le reste, le néo-Occident.»