Le gouvernement a précommandé assez de doses pour vacciner 100 millions de Français, à titre de deux doses par personne, a assuré le Premier ministre lors de sa conférence de presse du 3 décembre détaillant la campagne de vaccination. Avec ses 67 millions d’habitants, dont la moitié refuserait de se faire vacciner, la France a-t-elle vu trop large, au risque de se retrouver avec des millions de vaccins inutilisés dans les bras?
Jean Castex a simplement évoqué une «marge de sécurité» pour sa stratégie de vaccination, laquelle a quand même un coût immédiat de 1,5 milliard d’euros. Ces 200 millions de doses ont par ailleurs été calculés en fonction de la répartition de la population au niveau européen. Ainsi, la France recevra 15% du total des vaccins précommandés.
«Une bonne nouvelle», a commenté auprès des Échos Étienne Decroly, chercheur du CNRS. «On anticipe ici mieux au sujet des vaccins: on pourrait faire mieux qu'aux débuts de la gestion de l'épidémie, qui n'ont pas été une réussite concernant l'implémentation des systèmes de diagnostic». En effet, fortement critiqué depuis le début de la crise sanitaire, le gouvernement penche cette fois pour une stratégie du «mieux vaut trop que pas assez».
Selon le spécialiste, ces quantités apportent surtout un défi logistique, en tenant compte par exemple du fait que le vaccin Pfizer-BioNTech nécessite d’être conservé à -70°C. Il s’interroge également sur comment les médecins généralistes vont «pouvoir assurer la vaccination de 40 millions de personnes en un temps record».
Attente de validation
Comme le rappelle 20 Minutes, il ne s’agit que de précommandes, alors que l’Agence européenne du médicament n’a pas encore autorisé la mise sur le marché de la plupart des vaccins (notamment ceux de Pfizer et Moderna). Tous les vaccins ne sont pas non plus à l’abri d’échecs dans leurs essais cliniques. «Nous ne paierons à la fin que ce qui nous sera effectivement livré», a précisé le Premier ministre à cet égard.
Ensuite, la durée de l’immunité des vaccins n’est pas toujours bien établie. Le laboratoire Moderna ne la garantit que sur une période de 90 jours, ce qui nécessiterait jusqu’à quatre vaccinations par an. Il ne s’agit toutefois que de résultats provisoires, alors que les sujets vaccinés sont toujours à l’étude. La véritable durée de protection devrait sans doute être plus longue, selon ce que les chercheurs ont publié dans la revue New England Journal of Medicine.
Enfin, il n’est pas question que la France se retrouve avec un stock inutilisé de vaccins, comme c’était le cas sous Roselyne Bachelot et ses 94 millions de doses contre la grippe H1N1. «On pourra les distribuer à d'autres pays moins riches», poursuit Étienne Decroly, toujours auprès des Échos. En effet, la pandémie étant mondiale, les pays européens pourront s’accorder entre eux pour livrer leur surplus aux pays en développement.