Au lendemain des manifestations contre la Loi sécurité globale, qui ont vu de nouveaux déchainements de violences, la thèse de la complicité des forces de l’ordre avec les casseurs d’extrême gauche a refait surface.
Violences en manif: une manœuvre politique?
Une partie de la droite, dont Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan, Florian Philippot ou François Asselineau a émis les mêmes critiques.
«Quand j’entends ces responsables politiques se plaindre des casseurs d’extrême gauche, je suis tenté de leur dire de faire aussi le ménage dans leurs rangs», commente Laurent Bortolussi, journaliste de terrain couvrant des manifestations depuis 30 ans et fondateur de l’agence média Line Press. Il tient à nuancer au micro de Sputnik l’appartenance exclusive à l’extrême gauche des casseurs:
«Effectivement, on y trouve majoritairement des gens d’extrême gauche, des antifas, mais aussi des gens d’extrême droite ou encore des gens apolitiques comme des salariés en colère et écrasés par le système. Je connais parmi eux des employés de banque qui, révoltés par leur environnement, vont jeter des pavés le week-end.»
Il rejoint toutefois Linda Kebbab quand elle souligne de l’importance des consignes, qu’elles viennent de la hiérarchie policière, mais surtout du «plus haut niveau politique», sur le déroulement des manifestations:
«Quand une puissance politique veut décrédibiliser un mouvement, elle a plutôt intérêt à laisser les magasins se faire piller et les voitures brûler. On voit très bien la différence quand la police a l’ordre d’agir –avec les migrants place de la République, par exemple, où la volonté de répression était très claire– et quand elle a ordre de ne pas intervenir.»
Celui qui a couvert «des milliers de manifestations» en est convaincu: «lorsque la Police ne veut pas que ça déborde, ça ne déborde jamais», elle a les moyens de contrôle nécessaires. Seule exception notable à ses yeux, «L’acte III des Gilets jaunes. Là, les autorités ont réellement été prises de court.»
Black bloc, un mouvement qui «n’existe pas»
La correspondante qui couvre et filme les manifestations pour Sputnik partage la même certitude, mais se montre plus circonspecte sur les enjeux réels de telles manœuvres.
«C’est ahurissant de voir le bloc se former et les policiers le regarder faire, alors qu’ils auraient amplement le temps de le séparer. Des ordres sont évidemment donnés, certains agents de police me l’ont confirmé en “off”, mais les raisons restent très floues», témoigne la reporter de Sputnik.
Il en serait de même pour les journalistes: lorsque la consigne est donnée de les tenir à distance, «c’est tellement gros que c’en est une évidence», souligne notre correspondante, affirmant que c’était notamment le cas lors de la molestation filmée du journaliste Rémy Buisine.
Pour Laurent Bortolussi, il est malgré tout erroné de parler des black blocs comme d’une organisation, la réalité sur le terrain étant plus complexe.
«J’entends à longueur de journée des gens qui parlent des black blocs en ne sachant absolument pas ce que c’est. Le black bloc n’est pas une organisation en tant que telle, ce n’est pas non plus un groupe politique, syndical ou autre, c’est une méthode. Une méthode d’actes de violence sur la voie publique.
Il n’y a pas de chef, il n’y a pas de carte d’abonnement. N’importe qui peut se dire du black bloc, il suffit de mettre un K-way noir et de se greffer aux incidents», rappelle-t-il au micro de Sputnik.
Cependant, l’identification des individus présents dans le black bloc est réellement difficile et n’est pas volontairement négligée, précise Laurent Bortolussi.
«Juridiquement, il est très compliqué de se baser sur des vêtements que l’on reconnaîtrait ça et là pour affirmer que telle personne a pris part à des mouvements de foule violents», souligne-t-il.
Autrement dit, si les autorités «protègent» de tels agissements, elles ignoreraient en revanche à qui elles ont précisément affaire…