Alors que les derniers résultats de la phase 3 des essais cliniques du vaccin russe Spoutnik V ont estimé son efficacité à 95%, Sputnik a parlé à une volontaire qui y avait participé pour comprendre les particularités des essais cliniques et les raisons pour lesquelles des citoyens décident d’y prendre part.
«Premièrement, je voulais avoir des anticorps pour ne pas tomber malade et ne surtout pas contaminer mes proches et mes amis», explique Anna Goldman, 38 ans, qui s’est fait inoculer une première dose de Spoutnik V (ou bien du placebo) début septembre.
«Et deuxièmement, je me suis beaucoup fait vacciner dans l’enfance via des vaccins que d’autres gens avaient eux aussi testés pour la première fois», explique-t-elle, avant d’ajouter que cela permet de faire quelque chose d’utile pour la société.
Anna affirme n’avoir presque pas hésité avant de s’inscrire en tant que volontaire sur le site de la mairie de Moscou. Bien que suite à l’annonce de l’enregistrement du Spoutnik V le 11 août dernier elle ait eu une attitude assez sceptique quant à son efficacité, elle a vite changé d’avis.
«Je me suis dit “bon, toutes les sociétés pharmaceutiques ont commencé à mettre au point un vaccin à peu près au même moment, donc cette année aucun vaccin ne sera 100% sûr”», argumente-t-elle, se demandant «Pourquoi attendre un vaccin occidental si un vaccin russe existe déjà, et que le virus ne semble pas vouloir disparaître?»
«À mon avis, il vaut mieux se faire vacciner avec un vaccin existant qu’attendre on ne sait combien de temps “un super vaccin”».
Les deux étapes de la vaccination
La particularité du vaccin russe réside dans le fait qu’il est administré en deux étapes: le premier composant du vaccin est injecté au cours de la première étape et au bout de 21 jours la personne se voit administrer le second composant. Ils se distinguent par les substances actives qui les composent, afin de renforcer la défense immunitaire. Anna affirme ne pas avoir eu d’effets secondaires, ni après la première ni après la deuxième étape de vaccination.
«Non, je n’ai pas eu de réactions, ni après la première étape de la vaccination ni après la deuxième. Sauf que, le lendemain de la première vaccination, le lieu de la piqûre a un peu rougi, ressemblant à une piqûre de moustique. Après la deuxième, la rougeur autour du lieu de piqûre est restée un peu plus longtemps - trois ou quatre jours. Cette fois-ci la zone a enflé», décrit-elle, précisant qu’une telle réaction n’était «pas grave du tout».
Les critères de sélection et la surveillance médicale
Selon Anna, il n’y avait pas de critères de sélection «trop strictes» pour les volontaires: elle a, par exemple, pu y participer malgré sa rhinite allergique. Près d’une semaine avant la première vaccination, tous les volontaires ont passé des dépistages, dont le VIH, l’hépatite et la syphilis. Les femmes enceintes n’ont pas été autorisées à participer, précise-t-elle. Au total, quelque 40.000 personnes de plus de 18 ans ont pris part aux essais.
Les participants «ont pu choisir» entre télécharger une application spéciale via laquelle il fallait remplir des informations sur son état de santé et communiquer des informations par téléphone en parlant directement avec un médecin. Anna a choisi la deuxième option.
«Au total, depuis septembre, je n’ai reçu que sept ou huit appels. Bien entendu, le lendemain de la première vaccination, un ou deux appels par jour pendant les trois jours suivants sont obligatoires», détaille-t-elle, précisant qu’en général la surveillance n’est pas du tout oppressante.
Un vaccin ou du placebo?
Conformément au protocole d’essai clinique, un pourcentage des volontaires doit recevoir du placebo. Selon le directeur du centre Gamaleïa, Alexandre Guinzbourg, un quart des volontaires participant aux essais de Spoutnik V ont pris du placebo, de la solution saline. Donc à ce stade, il n’est pas certain qu’Anna se soit fait vacciner.
«Je ne sais toujours pas, j’ai toujours des doutes. S’il s’avère que j’avais reçu du placebo, ce serait bien dommage», reconnaît-elle.
Très curieuse, elle s’est fait tout de même quelques hypothèses en se basant sur l’indicateur principal d’une vaccination: l’augmentation du nombre d’anticorps dans l’organisme.
Dans le cas du SRAS-CoV-2, ce sont les immunoglobulines IgM et IgG qui montrent le niveau de protection du système immunitaire.
Avant le début de l’essai, Anna n’avait que 0,29 IgG. Il y a quelques semaines elle a fait un autre test dans un hôpital, qui a, cette fois-ci, montré un niveau d’anticorps beaucoup plus élevé, à 8,7 IgG.
«Après avoir fait ce test ordinaire dans un hôpital moscovite et avoir reçu ce résultat de 8,7 IgG, j’étais déçue», confie-t-elle, expliquant que bien que le nombre d’anticorps ait significativement augmenté, ce n’est toujours pas suffisant pour assurer une protection définitive. «D’après les médecins, seul un taux de 10 IgG peut protéger d’une éventuelle contamination au Covid-19».
Officiellement, les résultats définitifs de l’expérience ne seront connus que six mois après le début des essais, donc en mars. Anna compte faire un test supplémentaire dans un laboratoire privé le plus tôt possible, pour pouvoir «sans peur et en toute sécurité» rendre visite à ses amis et à ses proches.