Faut-il rétablir le service militaire obligatoire? Éternel serpent de mer depuis sa suspension en 1997 par Jacques Chirac, le sujet est une nouvelle fois mis sur la table. Plus étonnant en revanche, la proposition ne vient pas de la droite, mais de Jean-Luc Mélenchon lui-même. L’annonce risque bien de ne guère faire l’unanimité dans son camp. Mais dans un pays où neuf Français sur dix semblent faire confiance à l’armée, selon une étude Odoxa/Dentsu d’octobre 2018, l’idée n’est pas sans utilité.
Dans un entretien donné à L’Opinion ce 29 novembre, le leader de La France insoumise (LFI) se dit ainsi «partisan de la conscription», rappelant qu’il avait été «opposé au fait qu’elle soit suspendue». Le député de Marseille prône ainsi la création de ce qu’il appelle une «défense populaire passive et armée.»
«Je ne suis pas certain que tous les Insoumis soient d’accord avec moi. […] Il y aurait besoin d’un effort collectif. On ne peut pas se payer la réparation de la France au prix du marché. Donc, on sera obligé de demander la contribution des jeunes Français», plaide Jean-Luc Mélenchon.
Un «rite de passage absolument indispensable»
Les arguments en faveur du retour de la conscription sont connus et ne datent évidemment pas d’hier. Ce mardi 1er décembre sur LCI, l’eurodéputé RN Gilbert Collard avançait ainsi deux arguments en faveur du service national: «une mixité nécessaire à la nation» permettant le «brassage social de toutes les classes», ainsi que «l’apprentissage d’une forme de discipline.»
Un argument que précise François Bert:
«La patrie, ce n’est pas simplement un bout de papier ou un tissu tricolore. C’est une communauté d’art de vivre et une capacité à se tirer vers le haut collectivement. L’effort commun au profit d’une cause qui nous dépasse permet de souder la nation.»
Si l’idée d’un service national comme «socle de la nation» ou comme «creuset socio-culturel» est souvent reprise par les politiques en mal d’inspiration, est-ce pour autant son sens initial?
«Créer des vocations»
François Bert rappelle d’ailleurs à ce titre que «la conscription était historiquement un réservoir de recrutements potentiels: beaucoup ont basculé dans cet univers qu’ils ont découvert grâce au service national.»
«La conscription permettait bien sûr de mélanger plusieurs milieux sociaux, mais aussi de mettre au contact des armées des jeunes gens de grande qualité. […] Quelle meilleure défense pour une nation que d’avoir un peuple capable de se dresser collectivement avec un esprit de combattant?»
D’autant plus que «l’armée française a des difficultés de recrutement», pointe notre interlocuteur. D’après les derniers chiffres communiqués par le ministère de la Défense, 30% des nouvelles recrues quittent l’Armée de terre dans les six premiers mois de leur engagement.
En septembre dernier, l’Armée de terre lançait sa campagne annuelle de recrutement, dans l’objectif espéré d’attirer environ 16.000 jeunes dans ses rangs afin de compenser départs à la retraite et démissions en cascade. «L’enjeu est donc aussi de renouveler les troupes en créant des vocations» soulève François Bert, qui précise qu’au sein de sa promotion à l’école militaire de Saint-Cyr, «près d’un tiers ont quitté l’armée parce qu’ils ne voyaient plus de sens à leur engagement.»
Un élargissement de la conscription à la police?
Dans l’entretien qu’il donne à L’Opinion, Jean-Luc Mélenchon confère néanmoins un sens différent à ce service national, qu’il nomme «conscription citoyenne». S’il cite le «dérèglement climatique» comme menace immédiate justifiant un retour à la conscription, le chef des Insoumis aimerait également l’élargir à la police, très décriée actuellement sur fond de violences et de bavures. «Cela changerait le regard de la population sur sa police et changerait les pratiques internes de celle-ci. Le racisme et la violence y reculeraient», avance ainsi l’ancien ministre de Lionel Jospin.
François Bert, lui, se dit «moins favorable à cette idée», la police étant pour lui «très exposée sur des problèmes quotidiens». Le fait que la police soit déjà sursollicitée compliquerait la tâche des formateurs, si l’on en croit notre interlocuteur. Ce dernier plaide néanmoins pour des «rapprochements» entre la Grande muette et la police nationale, notamment en ce qui concerne le processus de formation.
«Il faudrait que la police puisse avoir des rites initiaux de cohésion et de dépassement collectif d’inspiration militaire dans la formation. Mais la police en elle-même ne doit pas être un lieu de conscription, car cela ne correspond pas à son fonctionnement et à ses missions.»