Sénégal: imbroglio autour d’un «accord» avec l’Espagne sur le rapatriement des migrants

Accablée par l’arrivée massive de migrants à partir du Sénégal, l’Espagne est décidée à régler la question à la source. Sa ministre des Affaires étrangères en visite à Dakar, invoquant une convention signée avec le gouvernement sénégalais, a annoncé le rapatriement de ces sans-papiers. Mais pour Dakar, il n’existe aucun accord à ce sujet.
Sputnik

Confrontée aux débarquements massifs de migrants dans les îles Canaries, l’Espagne est décidée à agir, avec le gouvernement sénégalais, contre les réseaux criminels qui organisent des départs à partir du Sénégal. Aranja Gonzalez Laya, sa ministre des Affaires étrangères, était à Dakar ce 22 novembre pour mettre la dernière main au programme visant à renvoyer les citoyens sénégalais sans titre de séjour dans leur pays d’origine.

«Les migrants clandestins de nationalité sénégalaise qui arrivent en Espagne seront renvoyés dans leur pays. Nous le ferons en respectant les règles et conventions que le Sénégal a signées avec l’Espagne», avait déclaré Aranja Gonzalez Laya, après une entrevue avec son homologue sénégalaise Aïssata Tall Sall qui faisait ses premiers pas dans ses nouvelles fonctions.

Le mystère persiste sur le contenu de ces «règles et conventions» que les deux pays ont signées en ce qui concerne la lutte contre les migrations irrégulières. Pour couper court aux propos de la diplomate espagnole, c’est le secrétaire d’État sénégalais aux Affaires étrangères Moïse Sarr qui est monté au créneau.

«Il n’y a pas d’accord signé entre la République du Sénégal et le Royaume d’Espagne en ce qui concerne le rapatriement de nos compatriotes. Que cela soit clair et net pour tout le monde», a soutenu l’officiel sénégalais devant la presse ce 24 novembre.

Qui croire, entre la diplomate espagnole et le secrétaire d’État aux Affaires étrangères en charge des Sénégalais de la diaspora? L’Espagne peut-elle renvoyer des migrants clandestins sénégalais sans l’assistance des services consulaires du Sénégal en Espagne? Ceux-ci pourront- ils prendre part au rapatriement en l’absence d’un accord particulier régissant ce sujet?

Création de bureaux d’accueil

«Il n’existe aucun processus de rapatriement de migrants sans accord préalable et sans compensations financières, généralement, au bénéfice de l’État qui accepte le retour de ses ressortissants», affirme à Sputnik Boubacar Sèye, président de l’ONG Horizons sans frontières.

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Furieux, le patron d’Horizons sans frontières –qui se définit comme une «organisation européenne et internationale de défense, d’orientation et d’intégration de migrants sans distinction de race et de nationalité»– dénonce l’attentisme du gouvernement sénégalais face à la détermination de l’Espagne à mettre à exécution son intention d’expulser les migrants sénégalais en situation irrégulière… dont personne, au reste, ne semble vouloir.

«Ce dossier est explosif car le retour au bercail de centaines de nos compatriotes est source de fortes tensions sociales», avertit Boubacar Sèye.

La marine sénégalaise à la chasse aux migrants irréguliers en haute mer.

À ce niveau, le Sénégal veut prendre les devants avec la création «dans les 14 régions [du pays] de bureaux d’adaptation, d’accueil et de suivi». Leur objectif serait d’«aider à l’insertion des migrants de retour et de fixer les potentiels candidats au départ», a expliqué Moïse Sarr.

En Conseil des ministres du 18 novembre, le Président Macky Sall avait jugé impératif «de renforcer les dispositifs de surveillance et de contrôle de l’espace maritime national et particulièrement du littoral en mettant l’accent sur les zones de pêche qui sont les principaux points de départ des migrants clandestins».

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La diplomatie espagnole ne joue pas seulement sur le terrain de l’expulsion des sans-papiers sénégalais.

Aranja Gonzalez Laya a également annoncé le déploiement de quinze soldats à bord d’un avion de surveillance et d’un navire de 25 militaires pour renforcer la logistique des éléments de la Guardia civil déjà opérationnels au sein de Frontex. Frontex est l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes qui empêche l’accès à l’Espace Schengen à travers le contrôle des flux migratoires clandestins.

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Le Président du Cap-Vert voisin, Jorge Carlos Fonseca, a fait un plaidoyer international pour des «réponses efficaces» qui mettraient un terme aux drames de la migration vers l’Europe. Cette prise de parole intervient après la découverte, le 19 novembre, d’une dizaine de corps sans vie sur les côtes de l’île capverdienne de Sal. Ces victimes pourraient provenir de l’explosion d’une embarcation en route pour les îles Canaries aux environs du 15 novembre dernier. Selon l’Organisation internationale des migrations (OIM), une soixantaine de personnes ont péri lors de ce naufrage.

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