Face à la deuxième vague de la pandémie qui frappe toute l’Europe, plusieurs médecins et politiques préconisent un dépistage massif des Français.
«Dépister 67 millions de personnes permettrait de pallier le manque de données sur l’épidémie en vue du déconfinement», a indiqué le 16 novembre le professeur Philippe Amouyel sur France Inter.
En tant qu’argument, les partisans du dépistage de masse citent l’expérience de plusieurs États dont la Chine qui a testé les 11 millions d’habitants de Wuhan l’hiver dernier et Hong Kong avec 1,8 million d’habitants testés.
Ces régions ont choisi la stratégie du «pooling» visant à tester un mélange de plusieurs de prélèvements réalisés, c’est-à-dire qu’en cas de test positif dans le lot, tous les prélèvements sont testés un par un pour isoler le cas positif, indique le HuffPost.
Le dépistage par tests antigéniques
Quant à l’Europe, plusieurs pays comme la Slovaquie ont lancé des campagnes de dépistage par tests antigéniques qui prévoient un test rapide, à deux reprises, à une semaine d’intervalle.
Jean-François Rupprecht, chercheur au CNRS et contributeur à l’association Adioscorona, partisan du dépistage massif de la population, a indiqué au HuffPost que la technique du «pooling» serait la plus efficace.
«Si on l’appliquait en France, on pourrait réduire la circulation du virus à 5.000 cas par jour, environ, comme l’a souhaité Emmanuel Macron lors de son allocution le 28 octobre dernier. La méthode a montré son efficacité dans les universités de New York, (400 000 étudiants), qui ont réussi à réduire drastiquement la circulation du virus grâce au dépistage par pooling», a-t-il expliqué.
La technique du «pooling», inutile?
Daniel Dunia, chercheur du CNRS au centre de physiopathologie de Toulouse Purpan (CPTP) a qualifié auprès du HuffPost cette technique d’«inutile»: «On est à un taux de circulation du virus beaucoup trop élevé pour que ce soit efficace. Cela voudrait dire que tous les "lots" reviendraient positifs puisque beaucoup de Français sont contaminés.»
D’autres médecins exhortent à l’utilisation des tests antigéniques pour dépister la population en France. Cependant, selon la Haute autorité de santé là aussi, le risque de faux négatifs est élevé, car la fiabilité atteint 80%.
«Un test négatif va rassurer des patients qui sont en réalité infectés et qui vont aller contaminer d’autres personnes», explique au HuffPost Franck Perez, chercheur du CNRS et directeur du laboratoire biologie cellulaire du cancer.
«Quel intérêt du dépistage massif?»
Interrogée par le HuffPost, Jacqueline Marvel, immunologiste spécialiste des tests contre le Covid-19, ne voit aucun intérêt dans les campagnes de tests massifs.
«Cela permettrait de ralentir l’épidémie avant qu’elle ne reparte de plus belle. Mais nous y arrivons déjà avec le confinement et les mesures sanitaires actuelles alors, quel intérêt du dépistage massif?», explique-t-elle.
En outre, compte tenu des limites présentées par le dépistage massif, plusieurs chercheurs appellent à mobiliser les efforts sur les hauts lieux de contamination, ou sur des régions en particulier, à l’instar du président Les Républicains d’Auvergne-Rhône Alpes qui a annoncé l’intention d’organiser une campagne massive de tests gratuits pour les huit millions d’habitants de sa région.
«C’est une très bonne idée de le faire au niveau régional. Concentrer ses forces sur une région en particulier est largement plus réalisable et permettra inévitablement d’avoir une incidence au niveau national. Il faut aller chercher le virus là où il circule le plus, et surveiller les personnes à risque en réalisant des campagnes de dépistage dans les Ehpad par exemple», avance Daniel Dunia.