La France trop dépendante du nucléaire? C’est l’une des raisons avancées par Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, pour expliquer les coupures de courant que pourraient subir les Français cet hiver. Invitée par BFMTV, celle-ci s’est montrée à moitié rassurante, assurant qu’il n’y aurait pas de «black-out, à priori, si on reste dans le cadre d’un hiver normal.»
Des black-out, la faute au nucléaire? Une «fake news absolue»
«On n’est pas en Union soviétique», lance alors le présentateur, médusé à l’idée qu’un pays comme la France puisse être confronté à une telle situation. Visiblement piquée au vif par la remarque, Barbara Pompili rétorque alors que ceci est dû au «gaspillage» énergétique des Français ainsi que le fait que la France serait «trop dépendante d’une seule énergie». Une référence claire à la filière nucléaire.
Une «fake news absolue», s’emporte au micro de Sputnik l’essayiste Fabien Bouglé, auteur du livre Éoliennes: la face noire de la transition écologique (Éd. du Rocher, 2019).
«C’est vraiment l’hôpital qui se moque de la charité! Jamais le nucléaire ne serait responsable de ces black-out! C’est le contraire; c’est la politique d’apprentis sorciers du gouvernement, qui n’a de cesse de détruire notre sécurité électrique en France, qui conduit à ces résultats. On est toujours dans le déni!»
Pour le porte parole du Réseau Ulysse, réseau national anti-éolien et ancien vice-président de la Fédération Environnement durable, si des coupures de courant surviennent en France cet hiver, la responsabilité est à chercher du côté de la «politique déplorable» du gouvernement en matière énergétique, à savoir la dénucléarisation couplée au recours à des énergies intermittentes.
La crise du Covid-19 aurait-elle donc bon dos? Reprenant les chiffres de Réseau de transport de l’électricité (RTE) pour 2018, Fabien Bouglé souligne l’important écart entre le facteur de charge du nucléaire et de l’éolien, «le parc éolien français ne fonctionne qu’à 21,1% de sa capacité maximale de production», martèle-t-il, contre près de 80% pour le nucléaire, soulignant ainsi la stabilité d’une telle source d’approvisionnement.
«Le black-out est dû à cette désorganisation totale du réseau électrique»
Ainsi, diminuer la part du nucléaire dans le mix énergétique au profit d’énergies intermittentes (éolien et solaire) entraine-t-il nécessairement une «instabilité», nécessite le recours à des installations thermiques (gaz, charbon) pour pallier les creux de production. Depuis la fermeture de Fessenheim, la France a ainsi rouvert ses centrales à charbon, «le plus fort émetteur de gaz à effet de serre», s’insurge Fabien Bouglé, qui y voit «le comble du paradoxe».
«Ce qui est incroyable dans la politique d’apprentis sorciers de nos gouvernants actuels, c’est qu’à cause de l’intermittence des éoliennes, ont est obligé de rouvrir des centrales à charbon. Le black-out est dû à cette désorganisation totale du réseau électrique lié à l’installation des éoliennes», affirme-t-il.
«On est en train d’aller dans le mur», estime l’essayiste. Pour lui, si les autorités françaises persistent dans cette voie, les épisodes de pénurie d’approvisionnement énergétique pourraient devenir bien plus fréquents en France et pas forcément qu’en hiver. Un comble pour un pays qui fut précurseur en matière tant de nucléaire que d’indépendance énergétique, estime Fabien Bouglé, qui renvoie au livre d’Hervé Machenaud, ancien directeur chez EDF et membre du comité exécutif du groupe: La France dans le noir; les méfaits de l’idéologie en politique énergétique (éd. Manitoba/Les Belles Lettres).
En guise d’illustration, Fabien Bouglé évoque le cas de la Californie, où les installations éoliennes et solaires n’avaient pas pu faire face à l’explosion de la demande en climatisation cet été. Résultat, cet État se voulant à la pointe en matière d’écologie, avait dû lancer à plein régime ses centrales au gaz tout en imposant durant plusieurs jours des coupures tournantes d’électricité.
En cas de vague de froid, les années passées déjà, la production maximale des réacteurs nucléaires français, épaulée par celle des installations hydroélectriques et même de centrales à charbon, peinait à satisfaire la demande. Des pics de demande durant lesquels la France compte sur les importations d’énergie depuis les pays voisins ou la limitation de production des industries très énergivores. On comprend dès lors que dans une telle situation, la fermeture d’une centrale comme celle de Fessenheim, qui avec ses deux réacteurs de 900 MW chacun, fournissait 2,29% de l’électricité française, crée un déséquilibre difficile à compenser.
Barbara Pompili, «Ayatollah de l’éolien»?
«La ministre ne disait pas que l’on avait besoin de deux réacteurs en plus», déclare le gestionnaire à LCI, avant de développer: «cela fait quatre ans que l’on communique sur des hivers tendus, car nous sommes dans une période de transition avec des fermetures de moyens de production polluants du parc thermique et le développement des énergies renouvelables qui est en cours.»
En somme, lier la fermeture de Fessenheim au déficit énergétique de la France, pourtant annoncé par la ministre comme égal à la capacité de production de la centrale alsacienne, serait une mauvaise interprétation de la pensée complexe de Barbara Pompili. Ce soutien, en tout cas, n’étonne pas l’essayiste, qui revient sur la manière dont plusieurs proches de François Hollande ont été recasés à la tête de RTE, tels que François Brottes, député PS à l’origine de la première loi énergétique du quinquennat Hollande ou Xavier Piechaczyk, le conseiller énergie de l’ancien Président socialiste.
«C’est-à-dire que les patrons de RTE –entreprise en charge du raccordement des éoliennes au réseau– sont des promoteurs de l’éolien depuis des années. On voit bien le conflit d’intérêts et pourquoi ils défendent la politique de Barbara Pompili, qui est une Ayatollah de l’éolien.»
Reste à savoir si ceux qui plaident pour la fin du nucléaire n’ont pas déjà remporté la bataille de l’opinion. Selon une étude BVA menée en avril 2019, non seulement les Français sous-estiment la part du nucléaire dans l’approvisionnement énergétique du pays, mais près de deux tiers d’entre eux (69%) estimaient que la production d’électricité nucléaire contribuait au dérèglement climatique. Un comble.