Alors que le Cameroun fait face à de nombreuses crises qui menacent sérieusement son intégrité territoriale, le conflit séparatiste dans les régions anglophones capte toute l’attention et masque la guerre contre Boko Haram. Et pourtant, dans la partie septentrionale, la secte islamiste poursuit son offensive, multipliant les exactions contre les populations civiles. Ces dernières semaines ont été marquées par une recrudescence des attaques, recensées par des sources concordantes sécuritaires et civiles.
Un villageois a trouvé la mort dans la nuit du 14 au 15 novembre à la suite d’une incursion de Boko Haram au village Bakarisse, dans la région de l’Extrême-Nord.
Deux jours plus tôt, le 12 novembre, les combattants de la secte islamiste ont fait deux victimes dans la localité de Madakar, dans le Mayo-Moskota. Les assaillants ont également pillé le village et incendié des cases. Mi-octobre, Boko Haram avait déjà assassiné trois personnes et enlevé cinq autres dans la même localité. Une situation qui laisse les civils abandonnés à leur sort dans la désolation et la peur.
Une guerre oubliée?
Si la guerre contre la secte islamiste a longtemps été au centre de toutes les préoccupations, elle est de plus en plus reléguée au second plan derrière la crise qui déchire les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun. Depuis quatre ans, l’armée régulière y affronte au quotidien des séparatistes qui ont pris les armes contre le pouvoir de Yaoundé pour réclamer la création d’un État indépendant. Alors que le conflit a déjà fait plus de 3.000 morts et des centaines de milliers de déplacés, cette tragédie humaine cristallise l’attention et occulte les autres crises sécuritaires en cours.
«On peut également noter que la multiplication des foyers de tension dans le pays et de poches d’insécurité a obligé la dispersion des forces de défense et de sécurité. Les conflits étant tous plus violents les uns que les autres, les stratèges du gouvernement ont tendance à accorder plus d’importance à une crise plutôt qu’à une autre en fonction des enjeux et des ambitions de leur calendrier politique», analyse-t-il au micro de Sputnik.
Cet intérêt porté à la crise séparatiste a souvent fait l’objet de frustrations dans la partie septentrionale du pays. D’ailleurs, après la mise en place par le gouvernement d’un programme de développement dans les territoires séparatistes en début d’année, des voix se sont élevées dans le septentrion pour crier à la discrimination. Les populations s’interrogeaient sur l’absence d’un plan de reconstruction de l’Extrême-Nord, pris dans l’étau des terroristes de Boko Haram depuis 2011. Répondant aux multiples plaintes, Paul Biya a également ordonné fin août la mise en place d’un projet de réhabilitation de cette région.
Le retour en force de la secte islamiste?
Bien que le conflit contre Boko Haram ait graduellement baissé en intensité, après avoir atteint son point culminant entre 2014 et 2015, les offensives récurrentes rappellent que le mouvement djihadiste est loin d’appartenir au passé.
«Rappelons que Boko Haram est une franchise régionale de l’État islamique*. À cet effet, elle bénéficie d’un levier d’informations stratégiques et d’un soutien opérationnel qui échappe au gouvernement camerounais. Donc elle pourrait être encore plus dangereuse si nous n’y accordons plus la même attention», prévient le chercheur.
Déjà, en avril dernier, après une expédition punitive du Tchad contre la secte islamiste, Idriss Déby Itno dénonçait l’inaction de ses voisins et menaçait de ne plus envoyer de forces armées dans les opérations extérieures.
Le groupe terroriste est actif dans le bassin du Lac Tchad, une zone à l’intersection des frontières de quatre pays: le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad. Depuis 2015, une force multinationale mixte, constituée des troupes militaires de ces quatre pays plus le Bénin, combat Boko Haram… avec des résultats mitigés.
*Organisation terroriste interdite en Russie.