«Nice n’a pas été touchée parce que c’était Nice, mais à cause de sa proximité avec la frontière.»
Dans une interview donnée au quotidien Nice Matin, Christian Estrosi, maire de Nice, est longuement revenu sur l’attentat qui a endeuillé la plus grande ville des Alpes-Maritimes le 29 octobre dernier. D’après lui, il est nécessaire de suspendre les accords de Schengen qui permettent de voyager sans contrôle aux frontières de l’intégralité des 26 pays de l’Union européenne.
La prise de position de Christian Estrosi est motivée par le parcours de l’auteur de l’attaque djihadiste, Brahim Aouissaoui, un ressortissant tunisien de 21 ans. Ce dernier est arrivé d’Italie à Nice deux jours avant son triple crime. Le terroriste avait notamment transité par l’île italienne de Lampedusa fin septembre.
Contrôle de l’immigration, «un serpent de mer»
Pour le président des Patriotes, Florian Philippot, les déclarations de Christian Estrosi relèvent de «l’enfumage» et du «slogan».
«À chaque attentat, à chaque crise migratoire, vous avez des politiciens sans scrupules qui demandent la suspension des accords de Schengen ou un resserrage de la politique migratoire. C’est une démarche électoraliste qu’on nous ressort des cartons régulièrement depuis 15 ans», lance-t-il au micro de Sputnik.
L’ex-vice-président du Rassemblement national rappelle qu’en avril 2011, Nicolas Sarkozy, à l’époque Président de la République, disait déjà vouloir revoir le traité de Schengen et le suspendre si nécessaire.
De fait, à plusieurs reprises ces dernières années, de nombreuses personnalités de la droite dite républicaine ont annoncé vouloir prendre des mesures plus restrictives en termes d’immigration. C’était déjà le cas en 2006 pour Nicolas Sarkozy, qui avait fait de la lutte contre l’immigration massive l’un de ses chevaux de bataille pour sa campagne. Il récidivait en 2012, expliquant que «l’afflux d’étrangers» menaçait le modèle social français. En 2013, c’est Jean-François Copé, à l’époque président de l’UMP, qui annonçait une proposition de loi pour réformer le droit du sol. Deux ans plus tard, c’est l’ancien ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, qui dénonçait l’«anarchie migratoire européenne».
Plus récemment, après la décapitation de l’enseignant Samuel Paty le 16 octobre, Les Républicains ont demandé une réduction drastique du nombre d’immigrés accueillis chaque année.
«C’est un serpent de mer qui sert juste aux politiciens à se faire de la publicité. Ils n’ont rien d’autre à proposer», rétorque Florian Philippot.
Le président des Patriotes rappelle que la France a déjà, à plusieurs reprises, suspendu temporairement les accords de Schengen. Cela a notamment été le cas en 2015 après l’attentat du 13 novembre et en pleine crise des migrants. Paris avait alors rétabli des contrôles aux frontières.
Lutte contre le terrorisme, la solution Frexit?
Ils ont toujours lieu dans certaines zones, notamment à Menton, dernière ville française avant l’Italie. Les trains sont systématiquement contrôlés et la police aux frontières est en permanence sur l’autoroute A8.
Ce 5 novembre, Emmanuel Macron a annoncé doubler les effectifs affectés au contrôle des frontières face à «l’intensification de la menace» terroriste. Le locataire de l’Élysée s’est dit «favorable» à une refonte «en profondeur [de] Schengen pour en repenser l’organisation, pour intensifier notre protection commune avec une véritable police aux frontières extérieures.» Emmanuel Macron souhaite faire des propositions en ce sens lors du Conseil européen de décembre. Pour Florian Philippot, «une suspension des accords de Schengen serait très insuffisante par rapport aux mesures que l’on devrait prendre»:
«Le problème est plus profond. Schengen ou pas, l’Union européenne demande la libre circulation des personnes.»
Pour l’ancien député européen, il faut quitter l’Union européenne et la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH). «Ce sont les deux instances supranationales qui rendent la France hyper-faible par rapport au terrorisme et à l’immigration», assure-t-il.
«Elles sont ultra-favorables aux migrants, aux terroristes que l’on ne peut pas expulser dans certaines conditions. C’est très protecteur de tout, au niveau du droit d’asile, du regroupement familial, etc. Tout le reste, c’est du cinéma pour enfumer les gogos», affirme-t-il.
Pour le président des Patriotes, «les traités européens, son droit et ses juges ainsi que la CEDH nous paralysent totalement face au terrorisme et à l’immigration massive.»
De son côté, Christian Estrosi affirme que «toutes les démarches de droit d’asile doivent être effectuées dans les consulats généraux mutualisés sur le territoire des ressortissants demandeurs d’asile.» Le maire de Nice assure vouloir proposer une «démarche» commune avec l’ex-commissaire pour l’Union européenne de la sécurité, chargé de la lutte contre le terrorisme et le crime, le Britannique Julian King.
Pour Florian Philippot, rien ne changera tant que la France restera au sein de l’Union européenne:
«Il faut savoir qu’aujourd’hui, c’est très compliqué d’expulser quelqu’un, même dangereux. Les juges européens vont regarder si ce dernier ne risque pas d’être maltraité dans son pays d’origine. On ne peut pas modérer le regroupement familial ou le droit d’asile, ni même reconduire dans son pays d’origine une embarcation que l’on pourrait intercepter en Méditerranée.»