Face à la remontée de la pandémie, le mot d’ordre est lancé: on ferme des commerces dits «non essentiels» dans le cadre d’un nouveau confinement. Livres, CD et DVD, jouets et habillement, mobilier, électroménager, fleurs… Tout y passe, au grand dam des commerçants. Sputnik a poussé la porte d’une boutique dans le XVIe arrondissement de Paris, décorée d’une annonce touchante: «Commerce non essentiel (sauf) pour Isabelle, Laurent et leurs deux enfants».
Derrière chaque commerce, «toute une chaîne de personnes» touchées
Depuis 22 ans, le couple de commerçants, mais «également créateurs de prêt-à-porter indépendants», se partage les tâches: Isabelle est salariée par la société gérée par son mari. Sept ans auparavant, le couple avait décidé d’avoir pignon sur rue et d’ouvrir une boutique visant une «clientèle moyen et haut de gamme». Forts de leur première expérience, Isabelle et Laurent ont ouvert un second magasin à Paris le 12 mars dernier… sans savoir que le confinement les rattraperait.
«Ce commerce est essentiel pour nous, parce qu’il nous permet de vivre. Il essentiel également pour nos fournisseurs, fabricants de tissus. Il est essentiel aussi pour le propriétaire des murs», explique Isabelle.
«On ne comprend pas que l’on nous dise: “vous arrêtez de travailler, mais vous continuez à payer votre location, vos fournisseurs, vos charges, etc.” Quand on ferme un commerce, on perd de l’argent», s’insurge Isabelle.
La trésorerie dont pouvait jouir la société au moment du premier confinement a «dramatiquement» fondu et surtout, Isabelle «ne voit pas d’issue».
Travailler plutôt que toucher des aides
Jean Castex a promis une enveloppe d’environ 20 milliards d’euros pour financer les besoins des personnes et entreprises touchées par deux mois de confinement. La commerçante, amère, se demande s’il ne serait pas «plus utile» d’investir cet argent dans le soutien au milieu hospitalier et dans la recherche scientifique.
«On n’a aucune visibilité sur la date de réouverture. On va rouvrir? Mais si l’état des hôpitaux ne s’est pas amélioré? On va avoir un troisième confinement? Un quatrième?», s’interroge Isabelle.
«On dit au public que les indépendants ont des aides. Les nôtres (1.500 euros par mois) n’ont même pas couvert la location de la boutique. Point. On s’en sort. Pour l’instant. Mais grâce à un énorme investissement personnel», assure Isabelle.
Isabelle, qui ne connaît pas «la semaine à 35 h», est angoissée pour son futur «à court ou moyen terme.» Elle plaide surtout «la cause de l’hôpital», puisque pour elle, «c’est la seule issue pour ne pas reconfiner les commerçants à chaque fois.»
Les librairies, commerces «essentiels» pour la vie?
Alors que le débat sur le sort des commerces et autres services jugés «non essentiels» fait rage, les Français se posent une question non alimentaire, mais presque philosophique: le livre est-il un produit essentiel? Et chacun essaie de trouver une réponse à sa manière.
Tandis que des élus tentent d’inventer des façons règlementées de garder un accès à la culture, au moins «une fois par semaine», la Mairie de Paris a mis en ligne une carte des libraires qui ont adopté le système click & collect, qui permet d’acheter en ligne et de venir chercher sa commande en magasin.
De son côté, le syndicat de la librairie française a lancé une pétition pour la réouverture des librairies, lesquelles «maintiendraient un accès à la lecture et à la culture dans des conditions sanitaires sécurisées» à l’heure de la fermeture des salles de spectacle et de cinéma. À l’heure de la parution de cet article, 193.208 personnes l’ont signée et le compteur continue de tourner, au rythme d’une signature par minute.