Caricatures de Mahomet à l’école: «La liberté d’expression ne se négocie pas», selon Patrick Pelloux

Faut-il placarder des caricatures de Mahomet en classe? Alors que la rentrée scolaire se profile pour les élèves, quinze jours après la décapitation de Samuel Paty par un terroriste islamiste, la question de la place accordée à ces dessins dans l’enseignement se pose toujours. Patrick Pelloux, ex-chroniqueur de Charlie Hebdo, répond à Sputnik.
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Ce 25 octobre dans le Journal du dimanche, Jean-Michel Blanquer a annoncé un moment dédié à la réaffirmation des «principes de l’école et de la République» avec les élèves, puis la lecture de la Lettre aux instituteurs et institutrices de Jean Jaurès. Une minute de silence en mémoire du professeur d’histoire assassiné est ensuite prévue dans tous les établissements.

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Une question reste néanmoins en suspens: faut-il montrer aux élèves les caricatures de Mahomet pour aborder la question de la liberté d’expression, comme l’avait fait Samuel Paty conformément au programme scolaire? Patrick Pelloux, ancien chroniqueur de Charlie Hebdo et médecin urgentiste, souhaite que l’on fasse preuve de «pédagogie» sur ce sujet, tout en pointant du doigt les compromissions et les reculades de l’État français depuis de nombreuses années face à la montée de l’islamisme.

Sputnik: Les annonces de Jean-Michel Blanquer quant à l’organisation de la rentrée scolaire lundi prochain, plus de deux semaines après l’assassinat de Samuel Paty, vous paraissent-elles à la hauteur de l’enjeu?

Patrick Pelloux: «Le ministre de l’Éducation nationale a raison, il faut prévoir différents temps de manière à créer une solidarité et une communion de pensée chez les enseignants et les élèves. Pour autant, cela sera-t-il suffisant dans certains quartiers, dans lesquels le communautarisme et l’islamisme sont en pleine progression? Je n’en suis pas sûr. Comment va-t-on gérer les exactions qui auront forcément lieu, avec des élèves qui protesteront contre cet élan républicain?»

Sputnik: Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui, a dit qu’il ne «souhaitait pas» que les caricatures de Mahomet soient montrées à l’école. Il a également affirmé qu’il fallait «savoir renoncer à certains droits pour que la fraternité puisse s’exprimer dans notre pays». Qu’en pensez-vous?

Patrick Pelloux: «Je ne suis pas du tout d’accord avec Mohammed Moussaoui. On sait combien de personnes sont proches des Frères musulmans au sein du CFCM. La liberté d’expression ne se négocie pas, de même que les principes de la République. La fraternité existe en France: la sécurité sociale, l’aide aux plus démunis qui, même si elle n’est jamais suffisante, est une réalité. Avec la crise sociale que nous vivons actuellement et qui ne va faire qu’empirer, l’idée de faire taire la liberté d’expression pour favoriser la fraternité est inacceptable.»

Sputnik: Faut-il placarder les caricatures de Charlie Hebdo dans toutes les salles de classe des collèges et des lycées français à cette occasion, comme l’a proposé le philosophe Pascal Bruckner?

Patrick Pelloux:«C’est une bonne idée, mais il ne faut pas se focaliser que sur les caricatures et Charlie Hebdo. Cela doit être pluriel. Il faut bien sûr montrer les caricatures du Prophète aux élèves, mais la notion de dessin de presse et de liberté d’expression doivent être enseignées de manière globale aux élèves.»

Sputnik: Quelle serait la solution?

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Patrick Pelloux: «Il faut faire de la pédagogie. J’espère que la loi sur le séparatisme permettra à la République de reconquérir des quartiers qu’elle a abandonnés, mais aussi des missions qu’elle a abandonnées: la police de proximité, les écoles de proximité, les hôpitaux de proximité, etc.

Par ailleurs, comment cela se fait-il que les communautaristes aient autant d’argent? C’est le nerf de la guerre: cela leur permet de construire des mosquées ou des centres culturels dans notre pays, lesquels sont aux mains des Frères musulmans.»

Sputnik: Comment expliquer que le CFCM soit devenu l’interlocuteur principal de l’État pour le culte musulman, si ce dernier est comme vous le dites infiltré par les Frères musulmans?

Patrick Pelloux: «Cela remonte à Nicolas Sarkozy. L’État s’est alors mis à chercher des interlocuteurs pour représenter l’islam en France. C’est en fait un gros pipeau: les gouvernants pensaient qu’il y allait avoir un semblant de démocratie, mais cela n’a abouti à rien, si ce n’est à diviser davantage.»

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