Taxe foncière: vers l’explosion des impôts locaux?

La taxe foncière n’a eu de cesse d’augmenter ces dernières années. Toutefois, ces hausses pourraient bien n’être qu’un avant-goût. La suppression progressive de la taxe d’habitation, couplée au désengagement de l’État et à la refonte des valeurs cadastrales, devrait entraîner une hausse sans précédent des impôts locaux dans les années à venir.
Sputnik

Pour ceux qui la règlent en ligne, le 20 octobre était le dernier jour pour s’acquitter de la taxe foncière. Une facture annuelle que les 17 millions de Français propriétaires concernés par cet impôt local ont vue gonfler au cours de la dernière décennie.

Loyers fictifs pour les propriétaires, ce serpent de mer de la gauche qui refait surface
Entre 2009 et 2019, cette augmentation aurait été de plus de 31%, à en croire l’Observatoire des taxes foncières de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI). «C’est trois fois l’inflation et c’est six fois l’augmentation des loyers», s’indignait son président, Christophe Demerson, devant les caméras de TF1, mettant aussi en avant d’autres impératifs imposés aux propriétaires, comme l’isolation de leur logement.

En l’occurrence la loi énergie climat va progressivement rendre obligatoire, sous peine de lourdes sanctions financières, les travaux d’isolation dans les logements considérés comme des «passoires thermiques». Un qualificatif qui englobe tout de même un tiers du parc immobilier tricolore.

Jusqu’à 45% d’augmentation en Seine-Saint-Denis

Tout comme la taxe d’habitation, tous les contribuables ne sont pas égaux face à la taxe foncière. En effet, toutes deux sont calculées à partir de la valeur locative cadastrale (VLC), censée représenter le loyer annuel qu’un propriétaire pourrait toucher. Pour la déterminer, l’administration fiscale prend en compte tous les critères qui permettent d’évaluer la valeur d’un bien: surface, détention d’un parking, standing de l’immeuble, proximité avec les commerces, écoles et autres services publics, etc. Après abattements et autres déductions forfaitaires, viennent alors s’appliquer à cette base les taux d’imposition décidés par les collectivités locales.

Et, à ce jeu, il y a des perdants et des gagnants. Si les grandes agglomérations font indéniablement partie des communes où les impôts locaux ont le plus flambé, on retrouve deux villes de Seine-Saint-Denis au sommet du classement de celles où la taxe foncière a le plus augmenté ces dix dernières années: Argenteuil et Saint-Denis (avec respectivement 45,11% et 43,13%), loin devant la ville clôturant le podium, Nantes et ses 38,48% d’augmentation.

Des inégalités variant notamment en fonction de l’état des finances de la commune (résultat d’une mauvaise gestion) ou la couleur politique du maire. À Nantes, l’adjoint au maire socialiste (PS) en charge des finances justifiait ainsi ce «petit effort demandé aux propriétaires» par la baisse de la taxe d’habitation sur les «foyers modestes et des familles et des personnes en situation de handicap.» Reste à savoir comment était concrètement appliquée cette baisse dans la mesure où l’État a fait supprimer la taxe d’habitation (sur les résidences principales) pour 80% des Français (100% d’ici 2023).

Nouvelles hausses d’impôts à l’horizon 2026

La promesse phare du candidat Emmanuel Macron n’aurait fait que renforcer cette inégalité des contribuables face aux impôts locaux… restants. Censée être compensée «à l’euro près» par l’État, selon les mots de Richard Ferrand, la suppression de la taxe d’habitation offre un argument supplémentaire aux communes pour gonfler la taxe foncière. De plus, elle grignote l’indépendance financière des municipalités ces dernières, malgré un désengagement financier progressif de l’État. Le transfert depuis le 1er janvier 2018 de la compétence sur la Gestion des Milieux Aquatiques et la Prévention des Inondations «Gemapi» en est un exemple.

Immobilier: la majorité s’apprête-t-elle à réformer le droit de propriété?
Si aujourd’hui, les propriétaires s’inquiètent de futures hausses de ce prélèvement obligatoire, le pire resterait à venir. En effet, la fameuse VLC, qui théoriquement détermine la base de ces impôts locaux, créée en 1970 et quasi inchangée depuis les années 1980, est en passe d’être complètement révisée.

Cette réforme, en marche dans la mesure où elle fut actée avant la crise sanitaire dans la loi de programmation financière (PLF) 2020, entrera en application au 1er janvier 2026.

En guise d’aperçu, pour les biens dits «exceptionnels», le montant de la future taxe foncière fixé par le barème revisité représentera 8% de la valeur de vente du bien. Quant au commun des contribuables, ceux-ci s’acquitteront dès lors d’une taxe foncière calculée sur les loyers moyens constatés au 1er janvier 2023. Un gros dépoussiérage qui pourrait littéralement «multiplier» la facture pour certains propriétaires, notamment dans les métropoles, en raison de la hausse des prix sur le marché locatif ces dernières décennies.

Au-delà du fait que la mise en place de cette réforme, qui s’annonce explosive, ait été laissée à la prochaine majorité, une chose est sûre: les propriétaires resteront indéniablement un bon filon pour Bercy.

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