Au Québec, le mouvement complotiste continue d’inquiéter les autorités, alors que la province doit maintenant faire face à la «seconde vague» de Covid-19. Selon une étude réalisée au printemps dernier par l’Université de Sherbrooke, presque 40% des Canadiens estiment que leurs gouvernements (provincial et/ou fédéral) leur cachent des informations importantes relatives à la crise. Des chiffres comparables à ceux, plus récents, de l’Institut national de santé publique du Québec, qui montrent que 35% des Québécois considèrent que leur gouvernement ne leur dit pas tout.
Le complotisme au Québec, un mouvement en plein essor
Ces derniers mois, de nombreuses manifestations ont eu lieu à travers le Québec pour dénoncer la prolongation des mesures sanitaires et la possibilité d’un reconfinement, qui a finalement été rétabli par le gouvernement Legault début octobre. Depuis, des mesures ont été prises par l’État québécois et des municipalités pour dissuader les partisans de ce courant de manifester à nouveau. De même, une motion a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale pour condamner la montée du mouvement:
«Que l’Assemblée nationale dénonce toutes formes de menaces à l’endroit des scientifiques, des journalistes et des élus, dont le Premier ministre; […] Qu’elle reconnaisse que la montée du phénomène complotiste au Québec est préoccupante et nécessite des actions concertées», peut-on lire dans la motion.
Professeur de psychologie au Collège de Saint-Jean-sur-Richelieu (niveau préuniversitaire), au Québec, Frankie Bernèche estime que le mouvement complotiste s’enracine d’abord dans un «déni de la réalité du Covid-19».
«Il y a beaucoup plus de résistance aujourd’hui envers le port du masque et les autres mesures qu’au début de la crise. […] Quand on ne peut pas fuir ni affronter une menace, les gens peuvent avoir tendance à nier. C’est une réaction assez classique en psychologie. […] Quand on y pense, les négationnistes de la crise sont peut-être les plus anxieux dans la population», souligne M. Bernèche au micro de Sputnik.
Selon les résultats d’une étude effectuée par un groupe de chercheurs de l’Université de Sherbrooke, les «adeptes des théories du complot» seraient très enclins à développer de l’anxiété liée à la crise, de manière paradoxale.
Plus craintifs, les opposants aux mesures sanitaires?
Les opposants aux mesures sanitaires chercheraient ainsi à trouver des réponses à la crise qui parfois n’existent pas, selon les conclusions de l’enquête.
«Il y a un lien très fort entre l’anxiété liée à la maladie et donc la crainte d’être affecté par celle-ci, l’anxiété financière, et la tendance à adhérer aux théories complotistes», a déclaré l’un des chercheurs impliqués, Marie-Ève Carignan, en entrevue au Journal de Québec.
Selon Frankie Bernèche, les tensions sont appelées à être exacerbées dès les prochaines semaines. Il observe un phénomène de «radicalisation» parmi les membres du mouvement:
«Le fait qu’on soit dans la deuxième vague accentue cette tendance au déni. À la première vague, on ne savait pas trop à quoi s’attendre, alors que maintenant, on sait très bien dans quoi on retourne pour les prochains mois. La deuxième vague frappe plus dur psychologiquement, alors les mécanismes de déni remontent plus facilement à la surface. L’espoir semble moins grand», observe l’enseignant à notre micro.
«Nous avons des politiques claires contre la désinformation concernant la Covid-19, et nous les élaborons en collaboration avec les autorités mondiales et locales de santé publique. […] Nos politiques interdisent des propos comme dire que le virus est une supercherie ou qui promeuvent des remèdes médicalement non fondés», a fait valoir un communiqué de Google, qui possède YouTube.
Dans ce contexte, sur les réseaux sociaux surtout, de nombreux partisans d’Alexis-Cossette Trudel crient à la censure et accusent les États fédéral et provincial d’être à l’origine de cette manœuvre.
Dans tous les cas, selon Frankie Bernèche, «il y a de plus en plus de détresse psychologique, que ce soit chez les complotistes ou non».
«Chez les jeunes, jamais nous n’avons vu des pourcentages d’anxiété aussi élevés dus à la Covid et aux mesures de distanciation. Jamais ça ne s’était encore vu dans la littérature scientifique», avertit le professeur de psychologie.