Des dizaines de milliers d’euros en billets provenant du pillage des 160 millions d’euros qui étaient présents dans une banque de Benghazi ont été retrouvés chez un couple vivant à Limoges (Haute-Vienne), rapporte Le Parisien le 6 octobre. L’homme et la femme ont été interpellés.
Une banque pillée
D’après Le Parisien, tout commence en 2017 lorsque l’Armée nationale libyenne du général Haftar s’efforce de prendre Benghazi et pille une banque au passage. Ils y découvrent 160 millions d'euros en billets de 100 et 200 euros. Cet argent avait été fabriqué en 2010 en Allemagne à la demande de Mouammar Kadhafi, tué en 2011.
«On ne saura jamais à quoi était destinée cette monnaie européenne», souligne une source proche de l'enquête. Il était toutefois moins difficile de retracer l’utilisation de ces euros par l'Armée nationale libyenne dans les mois suivants «pour les 80 millions en bon état».
«Ils ont servi à acheter des armes, du matériel. Cet argent a aussi été vite dilapidé ou placé dans d'autres banques en sécurité», indique une autre source judiciaire.
Euros noircis, moisis
Cependant, l'autre moitié des 160 millions est marquée: les billets sont «noircis», «moisis» à cause des bombardements ayant touché la banque et le système de sécurité qui avait noyé le sous-sol et la salle des coffres.
«En plus d'être un peu effacés ou noircis, certains sont comme du parchemin, car pour les nettoyer ou les décoller, des produits abrasifs ont été utilisés», fait savoir la même source au Parisien. «En plus ou moins bon état, la quasi-totalité de ces 80 millions sont finalement vendus entre 20 et 40% de leur valeur faciale à la mafia turque», affirmera ensuite un rapport européen.
Les premiers billets commencent à réapparaître
Les premiers billets moisis commencent à faire leur réapparition en 2018 en Allemagne puis à travers l’Europe.
Selon la source judiciaire, ils étaient écoulés «en très petites quantités, mais par de très nombreuses personnes dans un laps de temps très court. La plupart du temps par des ressortissants turcs.»
«C'était souvent des personnes de bonne foi qui travaillaient au noir et étaient payées avec ces billets. C'est un blanchiment organisé d'activité mafieuse. Cet argent a très vraisemblablement servi dans des transactions de produits stupéfiants», reprend la source judiciaire.
L’argent est vendu en Turquie entre 50 et 75% de sa valeur faciale. Des malfrats s’y rendent pour l’acheter. L’Onu mène une enquête conjointement à celle de la banque européenne. Courant 2019, cette série de billets est interdite.
Un contrôle de routine en Belgique
En janvier 2020, un homme de 39 ans originaire de Limoges a été interpellé en Belgique lors d'un contrôle de routine avec près de 15.000 euros en billets libyens abîmés. Les policiers comprennent que «le cerveau» est sa maîtresse âgée de 42 ans, gérante de société. C’est elle qui l’avait chargé de la «mission» de les écouler.
La suspecte est interpellée début octobre. Elle est déjà connue pour des escroqueries. Les enquêteurs retrouvent chez elle 20.000 euros. Environ 40.000 euros avaient déjà été écoulés en 2020.
«Et encore, elle a été stoppée dans ses allers-retours en Turquie par le confinement. Elle ramenait chaque fois entre 5 et 10.000 euros. C'est la plus grosse saisie de ces billets libyens sur le sol européen», estime une source proche du dossier.
Les deux mis en cause ont reconnu les faits. Ils ont été relâchés le 2 octobre et placés sous contrôle judiciaire. L’enquête va poursuivre. Selon les estimations de l'Onu, entre six et huit millions d’euros ont été écoulés en Allemagne et près d'un million en France.