Séparatisme: pour LFI, Macron «stigmatise tous les musulmans»

«Renforcement de la laïcité» plutôt que lutte contre le «séparatisme islamiste». Alors qu’il ne sera présenté qu’en décembre, le projet de loi dévoilé par Emmanuel Macron change de nom et enflamme le débat. Gérald Darmanin a accusé la France insoumise d’être liée à l’«islamo-gauchisme». Le député LFI Michel Larive lui répond au micro de Sputnik.
Sputnik

«Projet de loi renforçant la laïcité et les principes républicains»: ce sera désormais le nouveau nom du texte destiné à lutter contre le séparatisme, a annoncé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin ce mardi 6 octobre sur Radio Classique.

Alors que le Président de la République avait nommément visé «l’ennemi de la République», à savoir «l’islamisme radical», la volonté du gouvernement semble désormais d’édulcorer le discours présidentiel afin de ne pas heurter les sensibilités. En France, mais aussi à l’étranger: la Turquie d’Erdogan, engagée dans un bras de fer contre Emmanuel Macron sur les dossiers libyen, grec et arménien, a qualifié le discours de «raciste», «xénophobe» et «islamophobe» dans un communiqué daté du 4 octobre.

Le leader des Frères musulmans réagit au discours de Macron sur le «séparatisme islamiste»
«L’idée, c’est donc de passer du communautarisme au séparatisme et enfin à la laïcité, pour aborder le discours de manière plus positive, pour que l’objet crée du commun, du rassemblement», confie ainsi une députée LREM au Figaro.

Sur Radio Classique toujours, Gérald Darmanin confirme cet élargissement: «[L’islam radical] n’est pas le seul objet du texte qui s’adresse à tous les cultes, contre tous les mouvements sectaires, et impose la neutralité politique et religieuse». Déjà dans le Journal du dimanche le 4 octobre, le ministre de l’Intérieur faisait part «d’autres menaces» que le seul «séparatisme islamiste»:

«Les suprémacistes blancs, par exemple. Des gens qui croient à la pureté de la race et pour qui le Blanc est forcément supérieur. Certains vont jusqu’à prendre les armes. Nos services ont déjà empêché des attentats préparés par cette mouvance», affirme Gérald Darmanin au JDD.

Sur RTL le 6 octobre, Marine Le Pen a reconnu qu’Emmanuel Macron avait eu «quelques intuitions» mais a aussitôt regretté «qu'après avoir nommé les choses, il n'y a quasiment plus rien, en termes de mesures et de mesures efficaces». Avant d'ajouter: «On a le sentiment que le Président de la République pense que dire, c'est faire».

«Un islamo-gauchisme qui détruit la République»

À la gauche de la gauche, le projet de loi électrise également les débats. Preuve encore ce mardi 6 octobre lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. Le député (LFI) Alexis Corbière a pris à partie Gérald Darmanin: «Vous contournez les problèmes sociaux et sanitaires qui déchirent notre pays en saturant l'opinion d'une question obsessionnelle: l'islam, l'islam, l'islam!».

La réponse du ministre de l’Intérieur ne s’est pas fait attendre:

«La situation est extrêmement grave, et je ne m’explique pas qu'un parti comme le vôtre [La France insoumise, ndlr], qui a dénoncé pendant longtemps "l'opium du peuple", en soit désormais lié avec un islamo-gauchisme qui détruit la République!», a tancé Gérald Darmanin.

Apparu il y a une vingtaine d’années dans le débat public, le terme d’«islamo-gauchisme» n’était jusqu’à présent que très peu employé par les politiques. Manuel Valls, redevenu député, avait déjà qualifié les Insoumis d’«islamo-gauchistes» dans l’hémicycle, en pleine campagne des législatives de 2017. C’est donc la première fois qu’un ministre en exercice utilise ce terme.

Dans La Stratégie de l'intimidation (L’Artilleur, 2018), l’essayiste Alexandre del Valle définit les «islamo-gauchistes» comme «les intellectuels, journalistes, militants ou responsables politiques qui refusent de dénoncer l'islam radical sous prétexte de ne pas "stigmatiser l'islam"». En février 2018 dans Le Figaro, le politologue Gilles Kepel considérait que «la nébuleuse islamo-gauchiste va aujourd'hui jusqu'aux Indigènes de la République et a touché certains partis comme La France insoumise».

Emmanuel Macron «reprend le champ sémantique de l’extrême droite»

Joint par Sputnik, Michel Larive, député LFI de l’Ariège, dit «ne pas comprendre ce terme», qui d’après lui «ne correspond à rien». «Il ne s’agit pas de défendre l’islam plus que le catholicisme, nous constatons simplement que c’est l’islam qui est attaqué tous les jours», se défend l’Insoumis, qui considère qu’Emmanuel Macron «reprend le champ sémantique de l’extrême droite en parlant de séparatisme à tout bout de champ».

«Emmanuel Macron propose en réalité une loi de communication qui ne fait que stigmatiser une partie de la population, en l’occurrence les musulmans. […] Le gouvernement fait sans arrêt l’amalgame entre les musulmans et les terroristes, et on fait du musulman le coupable idéal de tous les maux de la société», dénonce l’élu au micro de Sputnik.

Après le discours sur le séparatisme: Macron, «ennemi déclaré de l’islam»?
S’il dit «condamner toute forme d’islamisme radical», Michel Larive préférerait qu’on mette en avant «d’autres formes de séparatisme». Lesquelles? «Les catholiques radicaux», «l’extrême droite radicale», «les appels à la haine d’Éric Zemmour sur des plateaux de télévision», énumère ce proche de Jean-Luc Mélenchon. D’après lui, le gouvernement jouerait un jeu dangereux car «à force de stigmatiser une partie de la population, on va donner des idées à certains».

En dehors du champ religieux, le député de l’Ariège, à l’unisson de la ligne de LFI sur le sujet, pointe du doigt le «séparatisme de classe» des plus aisés, lequel constituerait une menace égale pour l’unité du pays:

«Ce gouvernement, censé garantir la cohésion sociale, est en réalité dans la fracture républicaine. La première séparation, c’est le séparatisme de classe. Ceux qui ont tenu la France à bout de bras pendant la crise sanitaire sont aujourd’hui dans la panade, et le pouvoir ne fait rien pour eux. Le vrai problème, c’est la ghettoïsation et la paupérisation d’une très grand partie de la population», appuie Michel Larive.

Vendredi 2 octobre, lors de son discours aux Mureaux, Emmanuel Macron avait devancé les attaques des Insoumis sur la question du séparatisme: «Je n'ai pas le sentiment d'avoir tenu un discours contre les musulmans, mais tout le contraire. Mais vous voyez que le projet politique [de Jean-Luc Mélenchon] est la caricature pour "impuissanter" la République».

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