Alice Coffin: la terreur féministe?

L’élue EELV de Paris Alice Coffin publie Le génie lesbien, un pamphlet féministe dans lequel elle assimile tous les hommes à des «assaillants» et assume de boycotter les œuvres produites par ces derniers. Un féminisme radical qui laisse perplexe, y compris dans le propre camp de la militante de 42 ans.
Sputnik

Qui est Alice Coffin? Inconnue au bataillon il y a encore quelques mois, la militante féministe est apparue sur le devant de la scène en juillet dernier, en poussant à la démission l’adjoint historique à la culture d’Anne Hidalgo, Christophe Girard, en raison de sa proximité avec l’écrivain pédophile Gabriel Matzneff.

Alice Coffin et Raphaëlle Rémy-Leleu, une autre conseillère EELV, avaient ainsi manifesté cet été sur le parvis de l’hôtel de ville en arborant des pancartes «Bienvenue à Pédoland». Un coup d’éclat qui avait valu aux deux élues écolos d’être exclues de la majorité municipale par Anne Hidalgo.

Si elle vient tout juste d’être réintégrée au Conseil de Paris –Christophe Girard a depuis été visé pour une enquête préliminaire pour viol, après avoir été accusé par un homme d’agressions sexuelles–, Alice Coffin a suscité de vives tensions entre la maire de Paris et ses alliés écologistes.

Alice s’en va-t’en guerre

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Ancienne journaliste, passée notamment par la rédaction de 20 minutes, enseignante à l’Institut catholique de Paris jusqu’en 2012, membre de l’Association des journalistes lesbiennes, gays, bi(e) s et trans (AJL) –organisation qu’elle avait d’ailleurs cofondée en 2013–, Alice Coffin est donc une militante engagée, pour ne pas dire virulente. Son cheval de bataille: les violences faites aux femmes par les hommes. Non pas «certains» hommes, mais bien «tous» les hommes. Dans son livre Le Génie lesbien (Éd. Grasset), celle-ci va même jusqu’à parler de «guerre des sexes»:

«Dans la guerre des sexes, l’oppresseur ne se montre pas comme un guerrier. Il ne dit pas “je suis en guerre contre les femmes”. Il tue, viole, frappe, mais ne dit jamais que c’est une guerre, un combat, une lutte et une mise à mort», écrit Alice Coffin.

En 2018, sur le plateau de RT, elle affirmait que «Ne pas avoir un mari, ça m’expose plutôt à ne pas être violée, à ne pas être tuée, à ne pas être tabassée. Et cela évite que mes enfants le soient aussi.»

«Éliminer les hommes de nos esprits»

Dans Le Génie lesbien, Alice Coffin explique ainsi qu’elle entend lutter contre «l’invisibilité des lesbiennes», mais aussi «l’androbsession», comprendre la domination des hommes dans la société. Assimilant les hommes à des «assaillants», elle exhorte les femmes à ne pas seulement «s’entraider», mais soutient «qu’il faut à notre tour les éliminer de nos esprits, de nos images, de nos représentations»:

«Je ne lis plus de livres des hommes, je ne regarde plus leurs films, je n’écoute plus leurs musiques. […] Les productions des hommes sont le prolongement d’un système de domination. Elles sont le système. L’art est une extension de l’imaginaire masculin. Ils ont déjà infesté mon esprit. Je me préserve en les évitant», lit-on dans Le génie lesbien.

Ces affirmations ont conduit un certain nombre de politiques à désapprouver cette misandrie assumée, y compris du côté de la gauche. Sur RTL ce dimanche 4 octobre, Anne Hidalgo a ainsi déclaré qu’elle ne «partageait absolument pas» la position d’Alice Coffin: «Je suis une féministe pour l’universalisme et je me suis engagée toute ma vie pour l’égalité des droits. Pas pour la suprématie, y compris des femmes sur les hommes. Pour moi, les êtres humains, nous devons être à égalité, de genre aussi». Même chose pour Marlène Schiappa, ancienne secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, sur BFMTV lundi 5 octobre: «Je ne partage pas sa position. Ce n’est pas ma vision de l’égalité femmes-hommes».

«La provocation de son propos force à réfléchir»

Plus prudent, Yannick Jadot, eurodéputé EELV, n’est «pas d’accord», mais «ne condamne pas» pour autant le militantisme de sa collègue écolo. «Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’elle dit, mais il y a dans les combats toujours des mots “obus” qui vont plus loin que ce que pense la majorité des personnes», tente-t-il de nuancer sur Europe 1.

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Interrogée par Sputnik, Danielle Simonnet, conseillère de Paris comme Alice Coffin et oratrice nationale de La France insoumise (LFI), défend pour sa part la militante féministe, même si elle dit «ne pas s’inscrire dans [sa] démarche». Pour elle, «la provocation de son propos force à réfléchir»:

«Je reconnais la force d’Alice Coffin qui, en créant de la dissonance cognitive, montre à quel point nous sommes dans une domination patriarcale et masculine. […] Les réactions très virulentes de la classe dominante montrent d’ailleurs cette emprise! Quand allons-nous cesser d’ignorer et d’invisibiliser la moitié de l’humanité?», s’interroge Danielle Simonnet au micro de Sputnik.

À l’inverse, ce sont paradoxalement des personnalités se revendiquant «féministes» et «lesbiennes» comme Alice Coffin qui se montrent les plus critiques à l’égard de l’élue parisienne.

Une «idéologie rétractée, communautariste, teintée de sectarisme»

Dans un post publié sur Facebook vendredi 2 octobre, l’essayiste Caroline Fourest a ainsi considéré le livre d’Alice Coffin «sectaire, binaire, excluant et odieux», allant jusqu’à dire qu’il «nie, efface et invisibilise 25 ans de visibilité lesbienne et féministe dans les médias et l’art.»

Caroline Fourest, auprès de qui Alice Coffin a fait ses débuts de militante, pointe par ailleurs du doigt les ambiguïtés de l’association de journalistes LGBT (AJL) créée par la conseillère EELV:

«L’association d’Alice Coffin, censée défendre les LGBT dans les médias, n’aura été d’aucun secours face à ceux qui nous ont harcelés et attaqués pour avoir alerté contre une mouvance islamiste, homophobe et sexiste “gourourisée” par Tariq Ramadan. Elle a préféré décerner des “Out d’or” aux anti-Charlie et aux pro-voile, féliciter AJ+ (média de propagande qatari) ou soutenir Lallab [association féministe et musulmane défendant notamment le droit pour les femmes de porter le voile, ndlr]», accuse Caroline Fourest dans un post Facebook.

Dans une critique du livre pour Paris Match parue le 2 octobre, la journaliste Pauline Delassus, qui se dit journaliste, féministe et lesbienne comme Alice Coffin, a dénoncé de son côté un «pamphlet féministe si outrancier qu’il en dessert la cause qu’il prétend défendre»:

«Chez Alice Coffin, la différence, pourtant revendiquée, est vue comme une menace quand elle est masculine. Elle demande l’inclusion et pourtant ne cesse d’exclure. […]. Censé être une apologie du droit à la différence, son argumentaire dévoile au contraire une idéologie rétractée, communautariste, teintée de sectarisme», assène la journaliste de Paris Match Pauline Delassus.

Alice Coffin n’a pas réagi à ces attaques, et pour cause: dans un entretien donné au National Geographic en novembre 2019, elle recommandait «d’éviter toute critique publique envers d’autres femmes en position de pouvoir», «un exercice difficile, mais indispensable si nous ne voulons pas entretenir la misogynie». «Concentrons nos attaques contre les hommes», ajoutait-elle. Une exhortation qui sonne comme un mantra pour l’activiste féministe.

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