Débat Trump-Biden: match nul, dans tous les sens du terme

Entre insultes et provocations, le premier débat présidentiel outre-Atlantique n’a pas laissé beaucoup de place aux idées. Mais a-t-il fait gagner des points à un candidat plutôt qu’à un autre? Sputnik a posé la question à Gérald Olivier, auteur du livre Sur la route de la Maison-Blanche.
Sputnik

«Tu vas la fermer, mec?», «caniche de Poutine», «clown», «Il n’y a rien d’intelligent en vous». Voici seulement quelques-unes des invectives que se sont renvoyées à la volée les candidats Donald Trump et Joe Biden durant ce premier débat présidentiel américain.

Un débat qui a d’ailleurs été quasi unanimement reconnu comme l’un des plus pauvres intellectuellement de l’histoire des États-Unis.

«Donald Trump est arrivé avec l’ambition de renverser Joe Biden»

Est-ce le témoignage d’un affaissement de la qualité du débat politique en général aux États-Unis? Voire de sa vulgarisation? «Je n’irai pas jusque-là», tempère au micro de Sputnik France Gérald Olivier, auteur du livre Sur la route… de la Maison-Blanche: le dictionnaire des élections présidentielles américaines, paru en 2020 aux éditions Jean Picollec.

Mais le politologue reconnaît tout de même le piètre niveau intellectuel des échanges qui ont eu lieu sur le plateau de CNN ce 29 septembre. Et selon lui, si le débat a été d’une qualité intellectuelle et politique aussi médiocre, c’est avant tout le fait de la stratégie des deux protagonistes:

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«Donald Trump est arrivé avec l’ambition de renverser Joe Biden et de démontrer qu’il n’avait pas la stature pour être Président des États-Unis. Il est donc arrivé avec son style de bulldozer habituel et est allé un peu au-delà.»

Une habitude prévisible, donc, comme en témoignent ses précédents débats en 2016 avec Hillary Clinton. Ce qui n’a pas empêché le Washington Post, proche du parti démocrate, d’ironiser en titrant: «La déconcertante stratégie de Trump pour ce débat a été de tweeter à haute voix pendant 90 min.»

Biden marque des points sur sa stature présidentielle

La performance de Joe Biden était quant à elle très attendue. Ce dernier n’a fait que de très rares apparitions publiques prolongées et a donc rarement «mouillé le maillot». De quoi prêter le flanc à la critique: Trump n’arrête pas, depuis plusieurs mois, de l’étriller sur ses capacités physiques et cognitives, le surnommant «Sleepy Joe», «Joe l’endormi». Sur ce point, l’ancien vice-Président d’Obama aurait marqué des points, estime Gérald Olivier:

«Biden a démontré qu’il avait toujours les capacités intellectuelles et physiques nécessaires pour affronter un débat d’une heure et demie. Cela lui a donné une stature présidentielle et de ce point de vue là, je pense qu’il a marqué des points.»

Par contre, sur le fond, le candidat démocrate n’a pas saisi l’occasion de rehausser le niveau du débat en valorisant ses propositions et le projet de société qu’il défend.

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«La stratégie démocrate en 2020 consiste à convaincre les électeurs de ne surtout pas voter Donald Trump, sans nécessairement dire des choses qui poussent à voter pour Joe Biden. Donc ce dernier a continué sur cette voie et a passé le débat à attaquer Trump sur tous les plans», souligne Gérald Olivier.

Pour lui, cela explique d’ailleurs le comportement de l’actuel Président: «[l’attaquer sur son bilan, ndlr] irrite au plus haut point Donald Trump. C’est pourquoi ce dernier a empilé les attaques, parfois sans attendre son tour de parole.» Conclusion?

«On a eu ces allers-retours avec les deux hommes qui parlaient en même temps et Biden a compris que face à Trump, il ne fallait absolument pas céder de terrain, en répondant avec des attaques qui allaient parfois au-delà de l’admissible», regrette le spécialiste des États-Unis.

Une référence aux attaques ad hominem de Joe Biden, qui a traité Donald Trump de «clown», de «caniche de Poutine»… Un manque de respect envers la fonction présidentielle, selon Gérald Olivier. Et ce, même si le Président en fonction n’a pas non plus retenu ses attaques personnelles et vulgaires. Selon lui, «le débat d’hier n’a pas permis d’avancer et c’est l’illustration d’une Amérique en crise, car il n’y a plus de dialogue politique, de respect.»  

Un débat qui n’a mis personne en tête

Il rappelle qu’en 2012, lors de son débat avec Barack Obama, le candidat républicain Mitt Romney s’était montré presque trop déférent face au Président, par respect pour la fonction. Mais cette fois-ci, les Américains ont eu droit à un spectacle de politique de bas étage de près d’une heure et demie. Une déception d’autant plus grande qu’aucun candidat ne semble avoir véritablement tiré son épingle du jeu:

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«Je serais surpris que des électeurs aient été convaincus par un candidat autre que celui pour qui ils comptaient déjà voter. De même pour les indécis, je doute qu’ils aient été convaincus par l’un des deux candidats.»
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