La police a rapidement dispersé, mardi 22 septembre, les quelques centaines de manifestants réunis à Douala, la capitale économique du Cameroun, et dans d’autres villes de l’ouest du pays, tous rassemblés à l'appel de l'opposition. Des dizaines de personnes ont été interpellées lors de ces marches et d’autres blessées à Douala, où la tension était la plus vive.
Des manifestants qui ont tenu à battre le pavé alors que la manifestation avait été préalablement interdite par les autorités administratives. Le fort déploiement sécuritaire dans toutes les principales villes du pays n’a pas freiné l’ardeur de certains partisans de Maurice Kamto, initiateur de ces marches.
Yaoundé sous haute surveillance
Ces échauffourées ont eu lieu lors de manifestations organisées par le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), parti de Maurice Kamto, ancien candidat à l'élection présidentielle de 2018, dont il conteste toujours les résultats. Le principal opposant au pouvoir du Président Paul Biya a menacé d’appeler au soulèvement populaire si Yaoundé persiste à organiser de nouvelles élections avant d’avoir résolu la crise séparatiste et procédé à une réforme consensuelle du code électoral.
Depuis la convocation des électeurs par Paul Biya, Maurice Kamto et ses sympathisants ont appelé à des manifestations publiques à partir du 22 septembre dans toutes les villes du pays. Ces derniers n’exigent désormais pas moins que le départ de Paul Biya, au pouvoir depuis 1982.
Dans le même temps à Yaoundé, trois journalistes venus couvrir l’événement ont été victimes de violences policières.
Alors qu’elle avait particulièrement cristallisé l’actualité sociopolitique dans le pays, il est difficile en l'état de dire si la marche n’a pas réussi à mobiliser ou si le dispositif de sécurité et les menaces du pouvoir ont dissuadé les manifestants. Pour des analystes comme Aristide Mono, politologue et enseignant à l’université de Yaoundé II, ces marches, bien que n’ayant pas mobilisé grand monde du fait de la peur et de l’absence des leaders, ont repositionné le MRC comme «la bête noire du régime».
« Surtout qu’avant cette journée redoutée, nous avons connu une semaine politique très mouvementée avec la multiplication des communiqués et des déploiements sécuritaires dissuasifs, des points de presse d’intimidation et des mobilisations de conjuration populaire du projet de marche. Alors, si on a pu assister à des marches, cela signifie qu’il y a de la détermination dans le camp de l’opposition frondeuse », commente-t-il au micro de Sputnik.
Menace permanente de Yaoundé
Si, pour les opposants au pouvoir de Yaoundé, les manifestations entamées sont garanties par la constitution du pays, du côté du gouvernement, on n’a pas cessé de rappeler que ces marches sont interdites et que ce n’est pas la rue qui dictera sa loi. Dans un récent communiqué, René Emmanuel Sadi, ministre de la Communication, relevait déjà qu’aucune «manifestation ne peut être considérée comme pacifique lorsque le but affirmé est le lancement d’un mouvement insurrectionnel». Paul Atanga Nji, ministre de l'Administration territoriale a, quant à lui, mis en garde toute personne qui oserait troubler «la tranquillité des Camerounais avant, pendant et après les régionales», agitant le spectre de l’emprisonnement.
Dans une déclaration rendue publique, le 21 septembre, Lewis Mudge directeur pour l’Afrique centrale de Human Rights Watch (HRW), fustige l’attitude de Yaoundé et alerte sur la répression permanente de l’opposition.
« Quand un gouvernement menace de traiter l’exercice du droit de manifester pacifiquement comme un acte d’insurrection, il s’attaque aux éléments fondamentaux d’une société basée sur les droits humains et de l’État de droit», a-t-il affirmé.
Ces attitudes de l’administration trahissent, selon l’analyste Hippolyte Éric Djounguep dans un récent entretien accordé à Sputnik, une «peur» du pouvoir, dans un contexte africain où de plus en plus de populations affirment «vouloir prendre leur destin en main». Ce chercheur en géopolitique se réfère plus particulièrement au Mali où une forte mobilisation populaire avait provoqué, le 18 août, le départ du Président Ibrahim Boubacar Keïta.
Alors que la tension reste vive dans le pays et que de nombreux manifestants sont encore détenus, l’on s’interroge sur l’issue de ce nouveau pugilat politique. Pendant ce temps Maurice Kamto, annonce des manifestations similaires dans les prochains jours. Une situation qui vient se greffer à un contexte politique déjà tendu dans un pays déchiré par de multiples crises dont la plus meurtrière demeure le conflit séparatiste dans sa partie anglophone. Dans le même temps, au sommet de l’État, la bataille est ouverte pour la succession de Paul Biya, 87 ans dont 38 passés au pouvoir.