«Crise de croissance» ou prochaine disparition d’une «coquille vide»? Ce qui est sûr, c’est que La République en marche (LREM), le parti présidentiel vit des heures difficiles.
Lundi 21 septembre, Pierre Person, le numéro 2 du mouvement, annonçait sa démission dans un entretien donné au Monde. Le député de Paris dit vouloir «créer un électrochoc» en quittant ses fonctions, car il juge que le parti n’est aujourd’hui pas «en mesure d’affronter la nouvelle étape du quinquennat», incapable «de produire des idées neuves». Celui-ci va même jusqu’à imaginer sa disparition:
«Le mouvement est resté dans sa logique de 2017, qui était de porter le projet présidentiel. Mais il ne produit plus d’idées nouvelles. Le travail dans ce domaine est insuffisant. Il faut enfin avoir des débats politiques dans ce parti! En devenant comme les anciennes formations politiques, il risque tout simplement de disparaître.»
«Nous ne savons plus qui nous sommes et ce que nous portons. On ne peut pas nous faire le coup de la division parce que l’on a des désaccords. La réponse ne peut pas être de prendre les mêmes et de recommencer.»
Concernant ladite réorganisation, les membres du bureau ont approuvé la nomination d’un binôme pour remplacer Pierre Person, qui sera composé de Marie Guévenoux –députée de l’Essonne et ancienne juppéiste– et du président du groupe d’entrepreneuriat social SOS, Jean-Marc Borello, ancien proche du PS, délégué national d’En marche!. Ce dernier se trouve par ailleurs accusé par plusieurs anciens employés de harcèlement et d’agressions sexuelles dans son entreprise. Sibeth Ndiaye, l’ex-porte-parole du gouvernement, hérite quant à elle du «pôle Idées» du parti.
Réaction immédiate de l’un des cadres du parti, cité par Le Parisien: «C’est l’amicale des losers! Le retour de tous ceux qui ont foiré le début du quinquennat!». Ambiance…
LREM, entre «opportunistes» déçus et «crise de gouvernance grave»
Ces querelles d’ego et d’ambitions émergent sur fond de difficultés politiques et électorales pour LREM. Depuis mai dernier, le parti connaît en effet une succession de revers. Ce qui a commencé avec la perte symbolique de la majorité absolue à l’Assemblée nationale s’est ensuite dégradé, lentement mais sûrement, avec le départ d’une dizaine d’élus LREM au profit notamment du MoDem ou du groupe Agir ensemble, composé de centristes.
«De nombreux élus ayant rejoint En Marche sont des opportunistes, il y avait parmi eux des politicards –jeunes, mais déjà anciens– qui pensaient pouvoir relancer leur carrière, mais qui se rendent compte aujourd’hui que cette étiquette ne vaut plus rien –voire pire, qu’elle est négative», souligne-t-il au micro de Sputnik.
L’élection de Christophe Castaner à la tête du groupe parlementaire le 10 septembre dernier n’a pas non plus déchaîné les passions. Jean-Louis Bourlanges, député MoDem, confiait quelques jours plus tôt à Sputnik qu’une victoire de l’ancien ministre de l’Intérieur «ne se ferait pas dans l’enthousiasme» et n’entraînerait au mieux qu’un «statu quo» au parti.
«La promesse d’horizontalité: un beau mensonge!»
Dimanche 20 septembre, LREM essuyait un nouvel échec électoral lors des Législatives partielles. Le parti présidentiel a été sèchement éliminé dès le premier tour dans les six circonscriptions où il s’est présenté. Pis, LREM perd même son siège dans les Yvelines, conquis en 2017. Si Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, a tenté de relativiser ces résultats lundi 21 septembre, au micro de France Inter, assurant que les scrutins ne concernaient que «des circonscriptions qui étaient des bastions du PS ou des Républicains», l’inquiétude règne de plus en plus chez les «marcheurs».
Ainsi, Marlène Schiappa a-t-elle beau assurer dans Le Figaro, le 21 septembre, que le parti ne traverse qu’une simple «crise de croissance», une question demeure: y a-t-il un problème de fond à LREM?
«Il n’y a pas de colonne vertébrale au sein de LREM, le parti n’a d’avis sur rien. Il y a donc une crise de gouvernance grave […] Les démissionnaires au sein d’En Marche réalisent sans doute un peu tardivement que le parti n’était qu’une “coquille vide” pour propulser Emmanuel Macron en 2017», estime Alexis Poulin.
«Emmanuel Macron n’a plus besoin de LREM pour se faire réélire en 2022, puisqu’il compte créer une grande coalition du centre [notamment avec le MoDem, ndlr]. […] LREM a beau être un parti extrêmement riche avec beaucoup de députés, il n’a pas beaucoup d’élus locaux et surtout très peu de militants. La promesse d’horizontalité et de renouveau n’a pas été tenue, ça a été un beau mensonge!»
Alors que se profilent deux échéances électorales importantes loin d’être gagnées d’avance pour LREM, les Sénatoriales d’abord (le 27 septembre), puis les Régionales en mars prochain, qui peut prédire si le parti sera encore en état de marche dans les semaines et les mois à venir?