Black Lives Matter divise les Latinos dans la campagne présidentielle américaine

Les candidats Donald Trump et Joe Biden se disputent férocement les électeurs de Floride, État pivot de l’élection présidentielle, où 20% d’entre eux sont latino-américains. Selon des sondages, à l’échelle nationale, la popularité de Biden auprès des Latinos n’est pas celle d’Hilary Clinton en 2016. Un effet Black Lives Matter? Analyse.
Sputnik

État de 21,5 millions de personnes, la Floride se retrouve à nouveau au cœur de la bataille pour la présidence américaine. Depuis 1924, aucun candidat républicain n’est parvenu à accéder à la Maison-Blanche sans remporter avant cela le Sunshine State. Une fatalité qui accentue la pression sur le président sortant, Donald Trump, et par le fait même, sur son adversaire démocrate, Joe Biden.

«Les électeurs latinos de Floride joueront un rôle extraordinaire lors de l’élection présidentielle de 2020», résume la journaliste Fabiola Santiago dans le Miami Herald.

Le 15 septembre dernier, Joe Biden a fait une première apparition très remarquée en Floride, alors qu’il a fait entendre la chanson à succès «Despacito» en conférence de presse via son téléphone portable. Interprétée par le chanteur Luis Fonsi qui l’avait invité sur scène, cette chanson en espagnol est devenue emblématique de l’univers musical latino-américain.

​Quelques jours avant le passage de Biden, sa colistière Kamala Harris s’était déjà rendue en Floride pour courtiser l’électorat, pressée par des sondages moins favorables qu’espérés au duo démocrate. Selon diverses données publiées par les médias, Joe Biden est loin de pouvoir compter sur l’avance que détenait en 2016 l’ex-candidate démocrate, Hilary Clinton, auprès de l’électorat latino. Dans l’urgence, le milliardaire new-yorkais Mike Bloomberg s'est engagé à dégager au moins 100 millions de dollars pour aider les Démocrates à remporter la bataille de la Floride.

Vote latino: Joe Biden en retard par rapport à Hilary Clinton

Si les Démocrates peuvent encore compter sur l’appui d’une majorité de Latinos à l’échelle du pays, la Floride leur est beaucoup moins acquise. En 2016, Donald Trump avait réussi à recueillir 28% du vote latino à l’échelle nationale alors qu’il en recueille actuellement 30%.

Vers une guerre civile aux États-Unis? «Il y a péril en la demeure»
Un récent sondage commandé par la chaine NBC News montre que le président sortant récolte aujourd’hui 50% du vote latino en Floride, contre 46% pour son adversaire démocrate. Depuis la mort de George Floyd, les manifestations qui ont suivi et l’essor du mouvement Black Lives Matter, la nation américaine est très polarisée. Dans les médias conservateurs et sur les réseaux sociaux, les partisans de Black Lives Matter sont couramment accusés d’appartenir à la «gauche radicale» et de vouloir implanter un régime inspiré du socialisme.

​«Kamala Harris et le reste de la gauche socialiste radicale contrôleront Joe Biden. Harris a dit tout haut ce qui se murmurait tout bas.»

Lors de la dernière convention nationale du Parti républicain, le lieutenant-gouverneur de la Floride, Jeanette Nuñez, a déclaré que les Américains devaient choisir entre «la route sombre du chaos» et «la voie de la liberté et des opportunités».

«La gauche radicale taille systématiquement en pièces les libertés que nous chérissons. Ils [les partisans de la gauche radicale, ndlr] véhiculent des idéologies dangereuses, s’agenouillent devant les progressistes mondialistes et normalisent le socialisme pour démanteler notre Constitution», a insisté Mme Nuñez, avant d’ajouter que «jamais l’Amérique ne serait un pays socialiste».

Le récent déboulonnage et vandalisme de statues associées au passé espagnol et catholique dans plusieurs États ne risque pas de favoriser le vote démocrate en Floride. Ces gestes et l’utilisation de symboles associés au communisme par les militants «antiracistes» ont choqué un grand nombre de Cubains-Américains. La statue de Christophe Colomb vandalisée à Miami a été recouverte de peinture rouge et une faucille et un marteau y ont été dessinés.

Statues déboulonnées: des Latinos choqués par les supporters de Black Lives Matter

La majorité des Latino-Américains de Miami sont issus de la vague migratoire qui a suivi la révolution cubaine de 1959 et celle de 1980, plus connue sous le nom d’exode de Mariel. Cette métropole de Floride accueille une forte concentration de Cubains opposés au régime communiste de La Havane, ville située à 360 km de Miami.

Statues déboulonnées: aux États-Unis, des Latinos «horrifiés par les "groupes radicaux"»
Le 21 juin dernier, l’organisation des Latinos pour Donald Trump, très visible sur les réseaux sociaux, a condamné le déboulonnage des statues. D’origine cubaine, Mercedes Schlapp, directrice stratégique des communications de la Maison-Blanche en 2017-2019 et sympathisante du groupe, confiait au journal espagnol El Diario que ces «attaques haineuses et ignorantes se produisent principalement dans les villes et les États dirigés par des Démocrates progressistes qui refusent d’appliquer la loi».

«En tant qu’Américains latino-américains, nous sommes horrifiés de voir des groupes radicaux et de gauche détruire les monuments publics de personnages historiques hispaniques», a déclaré au même quotidien Mercedes Schlapp, maintenant l’une des stratèges de la campagne présidentielle de Donald Trump.

À l’origine de nombreux rassemblements médiatisés et de campagnes de financement, les Latinos pour Trump organisent aussi des manifestations. Lors du dernier passage de Kamala Harris à Miami, des supporters du mouvement l’ont bruyamment accueilli à divers points d’arrêt, lui demandant entre autres de s’engager à «supporter la police».

​«Kamala Harris n'a pas été bien accueillie en Floride aujourd'hui. Les partisans hispaniques du président Trump se sont manifestés pour indiquer clairement que nous rejetons sa politique socialiste!»

Rencontre historique Trump-López Obrador: soumission du Mexique aux USA ou realpolitik?
Pour tenter de rallier l’électorat latino, les Démocrates continuent quant à eux de miser sur le sentiment de xénophobie dont aurait fait preuve Donald Trump envers les Latino-américains, notamment en défendant la construction du mur à la frontière et en laissant entendre que les Mexicains en territoire états-unien étaient des violeurs et des vendeurs de drogue. On reproche également au Président sortant d’être à l’origine de la séparation de familles de migrants à la frontière, des histoires qui ont largement défrayé la chronique durant son premier mandat.

«Donald Trump n’a rien fait d’autre que de porter atteinte à la dignité des familles hispaniques», a déclaré Biden lors de son passage en Floride, où son concurrent possède d’ailleurs une somptueuse villa.

La rencontre historique entre Donald Trump et le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador, qui s’est tenue le 8 juillet dernier à Washington, semble toutefois avoir calmé le jeu. La rencontre avait d’abord pour but de signer l’entrée en vigueur du nouveau traité de libre-échange nord-américain, mais elle a surtout pris la forme d’une réconciliation. Le nombre de «Mexicains-Américains» aux États-Unis est évalué à plus de 35 millions sur une population de 328 millions.

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