La France insoumise tente d’affronter le thème de l’insécurité en France

La France insoumise a organisé le 14 septembre un colloque sur la sécurité. Ugo Bernalicis, le député du Nord à l’initiative de ce rendez-vous, a estimé qu’une «campagne politico-médiatique» visait à alimenter le sentiment d’insécurité en France. Plusieurs (ex)membres de LFI reviennent pour Sputnik sur un sujet sensible pour la gauche de la gauche.
Sputnik

La question de l’insécurité est brûlante, mais jusque-là, elle n’avait pas été réellement abordée par LFI. Chargé de cette thématique au sein du parti, Ugo Bernalicis, député du Nord, le reconnaît d’ailleurs volontiers. Dans une interview à 20 Minutes, il se refuse cependant à «laisser les idées actuellement diffusées sur la sécurité se développer sans apporter un contre-discours élaboré».

C’est dans cette optique que s’est tenu lundi 14 septembre, à la maison de l’Amérique latine, un colloque organisé par La France insoumise (LFI) sur la thématique de la sécurité. Dans le viseur des membres du parti, on retrouve notamment Gérald Darmanin, qui avait annoncé vouloir «stopper l’ensauvagement d’une partie de la société» en appliquant la «tolérance zéro» vis-à-vis des «voyous» dans une interview donnée au Figaro le 24 juillet dernier.

Un vocabulaire excessif pour plusieurs personnalités de LFI. Le coordinateur du parti, Adrien Quatennens, a ainsi estimé sur Europe 1 que l’«on assist[ait] à une surenchère sécuritaire qui ne correspond pas à la réalité». Jean-Luc Mélenchon, qui a conclu le colloque, a quant à lui appelé à un «retour à la raison» contre les «phraseurs, les faiseurs de mots et les empoisonneurs du débat public» qui alimenteraient le sentiment d’insécurité en France. Pour une inefficacité totale d’après lui: «En 30 ans, j’ai vu passer 16 lois sur le terrorisme, 21 lois sur l’immigration et 32 lois de lutte contre la délinquance […] Nous concluons donc à l’inefficacité et l’inutilité totale des politiques conduites jusque-là».

«Nier le sentiment d’insécurité serait une erreur politique pour la gauche»

François Cocq, ancien dirigeant de LFI, exclu du parti en janvier 2019 par Jean-Luc Mélenchon, s’en prend lui aussi au gouvernement sur la question sécuritaire, mais souligne également la réalité d’un «sentiment d’insécurité» parmi les Français:

«Le vocabulaire utilisé par les ministres, et notamment par M. Darmanin, vise uniquement la sphère politique en instituant un parti de l’Ordre. Mais les Français, quoiqu’en disent les chiffres qui annoncent une délinquance en baisse, ressentent ce sentiment d’insécurité. […] Ils voient bien qu’un certain nombre d’actes délictueux ne conduisent pas nécessairement à une sanction judiciaire», affirme-t-il au micro de Sputnik.

«Ensauvagement» de la France: torturer ou ôter la vie devient-il normal?
Le «sentiment d’insécurité», ce paramètre difficile à quantifier et à évaluer au-delà des chiffres en ce qu’il est purement subjectif, existerait donc bel et bien en France aujourd’hui. Et d’ailleurs les «Insoumis» ne le renient pas nécessairement. Interrogé par Sputnik, Sacha Mokritzky, jeune conseiller national LFI et rédacteur en chef du média «Reconstruire», trouve que le terme «d’ensauvagement» «cristallise la haine et la rancœur contre une partie de la population mise au ban de la République», mais refuse d’abandonner la question sécuritaire à la droite et à l’extrême droite:

«Nier le sentiment d’insécurité serait une erreur politique pour la gauche, et ne pas concevoir qu’il y ait dans la société une violence qui met en péril le bon-vivre républicain repose sur une dialectique dangereuse. La question sécuritaire est centrale dans les priorités des Français […] La fracture s’est renforcée entre des citoyens auxquels on inculque des discours de peur, un État qui ne semble plus répondre à la nécessité de protection, et une gauche timide et tiède sur ces sujets qu’ils considèrent trop souvent comme réservés à la droite», analyse-t-il pour Sputnik.

Face à l’insécurité, la gauche de la gauche pourra-t-elle s’extraire de son inconfort?

Sur Europe 1, Adrien Quatennens a quant à lui considéré que la délinquance était «évidemment insupportable», mais qu’il n’y avait pas de «France orange mécanique, comme le dit parfois l’extrême droite». Le problème identifié par LFI se situerait donc davantage au niveau de l’utilisation qui est faite de la police par le gouvernement, toujours d’après le député du Nord:

«La police dans ce pays est trop utilisée pour la répression des mouvement sociaux. […] La police n’est pas assez occupée à lutter contre le grand banditisme. Derrière la petite délinquance qui rend difficile la vie de beaucoup de gens, on a des réseaux, des trafics […] et beaucoup d’argent dont on ne parle jamais.»

La France insoumise plaide ainsi pour un rétablissement de la police de proximité, démantelée par Nicolas Sarkozy en 2003 lorsqu’il était ministre de l’Intérieur. Et plus généralement pour une augmentation des moyens alloués à la Police nationale, qui pâtit d’un «matériel défectueux», d’après Ugo Bernalicis, lequel appelle de ses vœux un «rétablissement du lien entre la police et la population.»

«Des politiques qui n’ont pas la main qui tremble»

Dans l’allocution prononcée lundi 14 septembre lors du colloque LFI sur la sécurité, Jean-Luc Mélenchon a de son côté préconisé une dissolution pure et simple de l’IGPN (l’Inspection Générale de la Police Nationale, souvent appelée la «police des polices») au profit d’un comité de contrôle comprenant universitaires et policiers autour d’un nouveau code de déontologie policière. Ce que confirme Sacha Mokritzky au micro de Sputnik:

«Le mouvement de La France insoumise propose de rétablir la police de proximité et de supprimer les primes au résultat, afin de renforcer le lien de confiance déchu entre les citoyens et leur police. Par ailleurs, elle propose la mise en place d’un organe de contrôle de l’appareil policier indépendant et extérieur à la police elle-même pour que l’IGPN ne soit plus soumise à des conflits d’intérêts.»

Dernier outil à mettre en œuvre d’après LFI: la «prévention». Une grille d’analyse chère à la gauche, que rappelait le député LFI Alexis Corbière au Point le 12 septembre dernier: «On doit comprendre pourquoi la délinquance se développe. La dégradation des conditions de vie, le chômage, la précarité font que des gens choisissent la délinquance pour améliorer leur sort».

Explosion des violences contre les maires: l’État viendra-t-il vraiment à leur secours?
Mais qu’en est-il de la répression à l’égard de la montée de violence en France, vérifiée au cours de l’été avec les différents faits divers sanglants qui ont émaillé l’actualité? Ou encore de l’apparition d’une forme de «sécessionnisme» d’une frange de la population vis-à-vis des valeurs de la République? Pour Andréa Kotarac, transfuge de LFI au Rassemblement national, la gauche n’est pas à la hauteur de l’enjeu sécuritaire que traverse notre pays:

«La gauche fait tout pour apaiser les choses, mais elle se trompe. La gauche aurait dû réagir lorsque ce chauffeur de bus s’est fait tuer à Bayonne, par exemple […] La gauche a peur d’être sur les terres de droite, mais je crois au contraire que la gauche doit réagir face à un État de plus en plus faible […]», assène-t-il au micro de Sputnik.

Pour Andréa Kotarac, la réalité de la politique sécuritaire de LFI dans les quartiers trahirait leur laxisme, ou pire encore, l’achat de la paix sociale:

«Ce n’est pas en embauchant des “grands frères” dans les quartiers que la situation va s’arranger: il faut de la prévention, mais aussi de la répression et ensuite de la réinsertion, donc une justice forte et des politiques qui n’ont pas la main qui tremble pour signer ce genre de lois.»
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