L’Europe du Sud accroît la pression sur Erdogan. La réunion annuelle du Med7 a été quasi exclusivement consacrée au brûlant dossier des tensions en Méditerranée orientale. D’ordinaire, cette réunion de chefs d’État cherche à créer une alliance du sud de l’Europe, à promouvoir des politiques économiques de relance ou à faire entendre la voix singulière de ses membres. Pourtant, le 10 septembre, tous ces sujets sont passés au second plan.
Les pays d’Europe méditerranéenne unis face à la Turquie?
«Nous soutenons que si la Turquie ne progresse pas sur la voie du dialogue et ne met pas un terme à ses activités unilatérales, l’UE est prête à élaborer une liste de mesures restrictives supplémentaires qui pourraient être évoquées lors du Conseil européen des 24 et 25 septembre 2020», ont indiqué les sept dirigeants dans la déclaration finale du sommet du Med7 (France, Grèce, Italie, Espagne, Chypre, Malte, Portugal) qui s’est tenu en Corse.
C’est donc sur le ton de la menace de sanctions économiques que s’est conclu ce format Med7. Ce qu’a –sans surprise– plutôt mal pris Ankara, qui campe sur ses positions: «Les éléments contenus dans la déclaration finale en lien avec la Méditerranée orientale et la question de Chypre sont biaisés, déconnectés de la réalité et dépourvus de base juridique», a annoncé dans un communiqué le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Hami Aksoy.
Quelle est donc la stratégie derrière ce mécanisme de sanctions?
Ramener Erdogan à de meilleurs sentiments?
Claude Blanchemaison, ancien diplomate français, estime au micro de Sputnik que c’est la seule solution crédible pour ramener la Turquie à des positions plus raisonnables, tout en évitant de l’ostraciser complètement et donc de la pousser hors de l’orbite occidentale:
«Il y a une volonté d’installer un mécanisme qui fait que si le Président Erdogan décide d’arrêter de tenir un discours belliqueux et de prendre des mesures unilatérales agressives, et bien il aura une porte de sortie.»
Une stratégie crédible? Oui, selon le diplomate. Ce dernier estime d’ailleurs que «cette réunion a été utile de ce point de vue là.» Elle peut d’ailleurs servir de catalyseur pour décanter la situation, même si, pour le moment Ankara n’a pas fait évoluer sa rhétorique.
Selon Claude Blanchemaison, ces menaces pourraient inciter certains pays européens, peu favorables à la mise en place de sanctions contre la Turquie, à mettre eux-mêmes plus de pression sur Ankara pour qu’il revienne à des positions plus consensuelles.
«Les sensibilités des États membres de l’Union européenne ne sont pas les mêmes. L’Allemagne veut tout faire pour arriver au plus vite à un résultat à l’issue de négociations. Je pense qu’à partir d’aujourd’hui, Angela Merkel et Josep Borrel vont tout faire pour ramener Erdogan à de meilleurs sentiments», explique-t-il.
Cela pourrait grandement changer la donne sur certains sujets, et c’est déjà beaucoup du point de vue de Paris, car la liste des désaccords est longue. Entre les interventions en Libye et en Syrie, la déstabilisation de la Méditerranée orientale, les menaces verbales contre la France, le chantage aux migrants, l’achat d’un système de défense antimissile russe S-400, il sera évidemment difficile de faire s’entendre les capitales européennes et Ankara sur tous les points. Mais si des sanctions économiques permettent d’éviter un conflit ouvert entre les deux membres de l’Alliance atlantique que sont la Turquie et la Grèce, la victoire serait déjà belle pour la diplomatie européenne.