Une centaine de sans-abris, dont des migrants et des consommateurs de crack, avaient pris leurs quartiers dans un tunnel désaffecté passant sous la gare RER Rosa-Parks à Paris (XIXe). Le jeudi 3 septembre, ils en étaient évacués par les forces de l’ordre.
Ce tunnel était devenu un nouveau refuge pour les toxicomanes, mais également un repaire pour les trafiquants, après l’intervention fin 2019des forces de l’ordre pour les déloger de la «colline du crack», porte de la Chapelle, puis de la porte d’Aubervilliers. Une zone où les vols, les agressions et la prostitution étaient légion, au grand dam des riverains.
Une situation qui a donc poussé la Préfecture de Police de Paris (PPP) à réagir et à faire plier bagage aux 86 personnes présentes. Ce campement a «pris de l’ampleur depuis juillet» et comptait «jusqu’à une centaine de personnes», a détaillé la préfecture à l’AFP, avant d’alerter sur le «risque d’incendie».
Un phénomène inquiétant
Conscient de l’exaspération des riverains du Nord-Est parisien et de l’augmentation de l’insécurité aux abords de ces camps de fortune, la PPP a promis «une vigilance accrue» pour empêcher les toxicomanes de revenir et éviter les «reports anarchiques» ailleurs dans la capitale. Néanmoins, si une partie des toxicomanes a été éloignée, la question de leur prise en charge reste cruciale, pour éviter la création d’un nouveau «squat».
Nécessité d’accompagner les toxicomanes
Interrogé par Sputnik, Jean-Charles Dupuy, vice-président de SOS addictions, explique en effet que «les gens oublient que l’addiction au crack est la plus dangereuse, la plus violente qui soit aujourd’hui.»
«Ils n’ont pas d’autre possibilité que d’y retourner [dans les campements, ndlr]. Lorsque vous vous faites une pipe de crack, vous restez sur place jusqu’à que vous n’ayez plus d’argent. Cela peut aller jusqu’à la prostitution, le vol, tout ce qui est envisageable. Sans compter les prises de risque maximum», énumère-t-il.
Le vice-président de SOS Addiction se félicite malgré tout de l’adoption en mai 2019 du plan de lutte contre le crack dans le Nord-Est parisien, mais il en pointe les limites: «pour ces gens qui sont en total désœuvrement, malheureusement, ce n’est pas assez.»
Adopté à l’unanimité par les préfectures d’Île-de-France et de police, la ville de Paris, l’agence régionale de santé Île-de-France et la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), ce plan vise notamment à endiguer ce fléau dans le Nord-Est parisien jusqu’en 2022.
Pour atteindre cet objectif, 33 actions ont été identifiées. Au programme: renforcement des maraudes médico-sociales; augmentation du nombre de places d’hébergement; réalisation sur l’espace public de travaux d’aménagement urbain pour répondre aux besoins de sécurisation, par la ville de Paris.
Tenter d’endiguer ce fléau
En outre, plus de trois millions ont été mobilisés en 2019 et «des financements comparables et/ou adaptés à l’évolution des besoins au titre des années 2020 et 2021» devraient voir le jour.
«L’ambition de ce plan, c’est d’apporter de manière urgente des réponses aux riverains en garantissant l’ordre public, ainsi que de sortir les consommateurs de crack du cercle infernal de l’addiction», a déclaré Michel Cadot, le préfet de la région Île-de-France lors de son adoption.
Mais est-ce suffisant pour résoudre ce problème de santé publique? Rien n’est moins sûr. Selon Jean-Charles Dupuy, les sommes allouées ne suffiront pas, car il est nécessaire d’intégrer tous les acteurs de la lutte contre les addictions en France dans ce combat. Des structures «incontournables, très impliquées», comme les ELSA (équipe de liaison en soin d’addiction) ou les CAARUD (Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues) et les CSAPA (Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie), ont été «oubliées dans la boucle», avance-t-il.
«Le nombre d’usagers se renouvelle en permanence, ces personnes ne restent jamais sur place et elles ont besoin de soins et de suivi. Or, le nombre de places d’hébergements et de mises l’abri disponibles ou les maraudes, cela ne va pas être suffisant pour résoudre le problème», conclut Jean-Charles Dupuy.