Après plusieurs jours de turbulences entre la Cedeao (Organisation des États ouest-africains) qui tient à sa transition d’un an, une partie de l’opinion qui attend de voir et le Mouvement citoyen du 5-Juin qui refuse la posture de faire-valoir, le Conseil national pour le salut du peuple (CNSP) malien –qui a renversé Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août dernier– semble scruter l’horizon avec un peu plus de quiétude.
Les 5 et 6 septembre, cette junte militaire organise à Bamako une «grande concertation nationale» avec les «forces vives» du pays afin de «convenir de la feuille de route de la transition, de définir l’architecture et les organes de la transition» pour en fin de compte «contribuer à l’élaboration de la charte de la transition». La météo malienne semble si favorable pour la junte que les résolutions attendues de cette rencontre pourraient contraindre la Cedeao à revoir à la baisse ses exigences.
«La concertation nationale annoncée est un moyen politique pour le CNSP d’officialiser et de faire valider par le peuple malien le programme de redressement national qu’il entend appliquer pour le Mali. Ces militaires n’ont pas pris le pouvoir sur un coup de tête pour le rendre aux civils du jour au lendemain. Ils souhaitent fondamentalement dérouler ce qui reste du mandat de l’ex-Président Ibrahim Boubacar Keïta. C’est cela qui justifie la durée de transition de trois ans qu’ils ont proposée à la Cedeao», explique à Sputnik Mamadou Sy Albert, universitaire et politologue sénégalais.
La junte malienne est-elle partie pour durer au pouvoir? En tout cas, note Alioune Tine, président du think tank AfrikaJom Center, les actes qu’elle pose depuis son arrivée au pouvoir seraient de nature à accréditer la thèse d’un projet de maintien durable aux commandes du Mali.
Dans le souci de redonner une nouvelle vigueur aux Forces armées maliennes (FAMA), le colonel Assimi Goïta, chef de l’État –de facto– et patron de la junte, a procédé à plusieurs nominations au sommet de l’armée dont deux notables. Le général Oumar Diarra est devenu le chef d’état-major général après le limogeage du général Abdoulaye Coulibaly. Celui-ci est considéré comme l’un des principaux responsables de la déroute permanente des militaires maliens face aux colonnes djihadistes. Quant au colonel Jean Dao, il est le nouveau chef du renseignement.
«Les militaires veulent tout contrôler, tout sécuriser, les dernières nominations à la tête de l’armée le prouvent. Mais ils auront des problèmes avec la Cedeao s’ils décident finalement de rester au pouvoir trois ans comme ils l’ont suggéré. Rien ne les empêche de trouver un bon compromis avec les chefs d’État ouest-africains. La tactique fait partie de la politique, ils peuvent en user dans le cadre de négociations. À l’impossible, nul n’est tenu», souligne Alioune Tine.
Après avoir libéré l’ex-dirigeant Ibrahim Boubacar Keïta et laissé la porte ouverte à son évacuation médicale vers les Émirats arabes unis, où il a ses habitudes «médicales», ou vers un autre pays, la junte malienne espère gagner la mansuétude de la Cedeao.
«Ces militaires me semblent assez expérimentés pour tirer profit de toutes les situations. Non seulement ils cherchent une base de négociation avec la Cedeao à travers cette concertation nationale, mais ils savent également que les chefs d’État vont tenir compte de la position de la France qui n’a pas forcément les mêmes intérêts que la Cedeao au regard de sa forte implication dans la question sécuritaire au Mali», pronostique Mamadou Sy Albert.
Déjà «ennemis» de certains chefs d’État de la Cedeao, les militaires au pouvoir à Bamako jouent sans doute une carte cruciale ce week-end, notamment dans leurs rapports avec le Rassemblement des forces patriotiques du Mouvement du 5-Juin (M5-RFP), décidé à devenir un acteur majeur d’une transition en négociation.