Le procédé est peu courant à travers le monde: c’est le directeur général de la Radiotélévision guinéenne (RTG) qui a lu lundi soir (31 août) le communiqué du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG, parti au pouvoir) annonçant la candidature du Président Alpha Condé à un troisième mandat à la tête du pays. Un «immense privilège et le bonheur d’informer la population guinéenne que celui-ci a accédé à notre demande» consistant à briguer un nouveau bail de cinq ans «comme l’autorise la [nouvelle] Constitution».
Arrivé au pouvoir en 2010 puis réélu en 2015, le Président Alpha Condé ne pouvait plus se présenter au scrutin du 18 octobre prochain car l’ancienne Constitution guinéenne ne lui permettait pas un troisième mandat consécutif.
Alors qu’une élection présidentielle est souvent décrite comme «la rencontre entre un homme et son peuple», la méthode utilisée par Alpha Condé privilégierait plutôt l’alliance entre un parti et un peuple. De fait, elle suscite des interrogations sur la réticence et la retenue dont semble faire preuve le chef de l’État guinéen à monter lui-même en première ligne pour décliner ses ambitions à ses compatriotes.
«Cette attitude est très éloquente: elle rappelle que la rupture est consommée entre Alpha Condé et les Guinéens. C’est le repli sur lui-même d’un Président acculé dans son propre pays qui doit également faire face aux fortes réserves de la communauté internationale concernant les réformes illégitimes et non consensuelles de la Constitution guinéenne qu’il invoque pour rester à la tête de sa nation», explique pour Sputnik Emmanuel Dupuy, président de l’Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE).
Le dirigeant guinéen est-il encore perturbé par les propos provocateurs du Président de Guinée-Bissau? Umaro Sissoco Embalo, lors du Sommet extraordinaire de la Cedeao consacré au Mali le 21 août dernier, avait fustigé la propension de certains de ses homologues à perpétrer des coups d’État par le truchement d’un troisième mandat «non constitutionnel». Une attaque à laquelle Alpha Condé n’a pas jugé nécessaire de répliquer.
La quasi-officialisation de la candidature du Président sortant à l’élection du 18 octobre va réveiller les ardeurs de tous ses contempteurs. Ceux-ci, regroupés au sein du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), raillent une «annonce poltronne faite par voie de presse au lieu d’une déclaration solennelle ou personnelle du principal concerné [qui] confirme la peur, le manque total de courage et l’irresponsabilité d’Alpha Condé», lit-on dans un communiqué rendu public ce mardi.
La décision du chef de l’État guinéen a surtout une conséquence majeure pour l’opposition. Le boycott de la présidentielle, dont elle a longtemps brandi la menace en cas de candidature pour un troisième mandat, sera effectif.
Aujourd’hui, le FNDC «demande à l’ensemble de ses démembrements […] de se préparer à la reprise des manifestations suivant les dates et les modalités pratiques qui seront annoncées dans un court délai».
Toutefois, les velléités prêtées à Cellou Dalein Diallo –chef de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG, principal parti d’opposition)– de prendre part à la présidentielle d’octobre, en dépit du mot d’ordre commun du boycott, pourraient constituer un véritable atout pour Alpha Condé. Sans l’UFDG comme fer de lance des contestations contre le régime, il ne semble pas acquis en effet que le FNDC arrive à ses fins.