Mélenchon présente son projet pour 2022 et lorgne les écologistes

Dans son discours de clôture de l’université d’été de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon a jeté les bases de sa campagne présidentielle pour 2022, refusant cependant d’officialiser sa candidature. Pour l’heure, son premier défi semble écologiste.
Sputnik

Ira ou n’ira pas à la prochaine présidentielle? En bon dialecticien, Jean-Luc Mélenchon feint l’indécision à merveille! Pourtant, son discours fleuve clôturant les «amphis d’été» de La France insoumise (LFI) avait tous les attributs d’un meeting de campagne électorale. Deux heures durant, l’ex-sénateur socialiste a déroulé son projet politique pour 2022 tout en prenant le soin de ne pas se déclarer officiellement candidat: «Il y a un état d'urgence sociale, il y aurait une indécence, un ridicule absolu, à se chercher des poux dans la tête sur la manière de désigner un candidat à l'élection présidentielle pendant que des millions de gens meurent de peur à se demander s'ils vont trouver du boulot ou s'ils vont pouvoir payer leur loyer», lance-t-il.

Ainsi, «l’idéal révolutionnaire» devrait-il prévaloir sur les batailles d’égos pour celui qui a porté les couleurs de LFI lors des dernières présidentielles: «Je n'ai jamais confondu mon sort personnel avec celui de la lutte que je mène. Je suis un militant et un intellectuel. Ce qui compte par-dessus tout, c'est la pérennité de la force politique que nous avons construite, celle de l'idéal révolutionnaire. [..] Je n'ai peur de rien, je ne me lève pas tous les matins en aspirant à je ne sais quel futur glorieux».

Même s’il dit privilégier l’intérêt de son mouvement à son ambition personnelle, Jean-Luc Mélenchon n’a pas manqué de rappeler sa position singulière qu’il a acquise grâce à ses deux campagnes présidentielles: «J'ai été amené à deux reprises à mener ce combat en première ligne, j'ai une responsabilité particulière, ne serait-ce que parce que deux votes successifs m'ont donné une légitimité qu'aucun congrès ne donnera à personne». Il se dit par ailleurs prêt à «discuter si une autre option se présente» au sein de son mouvement.

«Ce sont les médias qui choisiront la candidat de la gauche»

Interrogée par Sputnik France, Virginie Martin, professeure de sciences politiques à Kedge Business School, estime que l’avenir de Jean-Luc Mélenchon dépend davantage de la machine médiatique que des appareils politiques qui sont selon elle démonétisés. «Les partis politiques ne peuvent maîtriser grand-chose aujourd’hui, que cela soit en matière d’alliances, de leadership ou en en matière de visibilité médiatique», juge-t-elle avant de souligner l’influence d’autant plus croissante des médias dans l’essor des candidats:

«Si les médias, dans une espèce de mouvement inconscient, décident que Mélenchon doit être le candidat de la gauche, il pourrait finir par l’être comme cela avait été le cas pour Macron 2017.»

Le scénario d’une autre candidature issue de la France Insoumise est jugé peu vraisemblable par la politologue. Elle considère en effet qu’il n’y a pour l’instant aucune autre personnalité de l’envergue de l’ex sénateur de l’Essonne au sein de ce mouvement: «Qui [à la LFI ndlr] peut être un vrai politique, un visionnaire, un tribun, quelqu’un capable de prendre des coups et d’en donner pendant une campagne?», questionne Virginie Martin qui répond non sans lucidité:

«Quand on fait le tour, on finit par se dire il n’y a que Mélenchon. Même s’il ne peut pas annoncer sa candidature précocement et de manière surplombante sans envisager d’autres possibilités».

Sans doute inquiet de la poussée des Verts lors des dernières élections européennes et municipales (lors des Européennes, ils ont obtenu 13,5% des suffrages, contre 6,3% pour LFI), Jean-Luc Mélenchon réaffirme son engagement en faveur de la cause environnementale.

«Nous ne croyons pas au capitalisme vert»

«Nous ne devons pas faire une collection de sigles», prévient-il, tout en se montrant désireux d’un dialogue et insistant sur les points de convergences programmatiques. C’est une conception anticapitaliste de l’écologie qui unirait les deux mouvements: «Nous discutons [avec EELV, ndlr]. Nous ne croyons pas au capitalisme vert, pas à cause du vert, mais à cause du capitalisme!». Pour symboliser ce «verdissement», LFI a déroulé le tapis rouge à son invité d’honneur, le maire écologiste de Grenoble Éric Piolle qui a été longuement applaudi par les nombreux militants présents.

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Virginie Martin considère toutefois qu’il il ne faut pas nécessairement se fier aux résultats des dernières municipales pour préjuger de la centralité de la cause écologistes lors des prochaines élections présidentielles: «Est-ce que la cause écologiste est assez ancrée et cristallisée pour s’être muée en vote durable? Convaincue et non circonstanciel? C’est toute la question».

S’agissant d’une alliance avec EELV, Mme Martin identifie des divergences de culture politique entre les deux mouvements qui pourraient empêcher un éventuel rassemblement: «Mélenchon est allé très loin et depuis longtemps sur la question de l’environnement, mais il ne sait toujours pas manier des questions comme l’éco-féminisme ou l’intersectionnalité. Ces sujets sont centraux chez certains membres d’EELV alors que les Insoumis s’inscrivent encore dans un logiciel marxiste et républicain traditionnel. Cela pourrait poser problème dans la perspective d’une candidature commune».

Cela étant dit, les départs au printemps 2019 de Djordje Kuzmanovic, ancien conseiller aux affaires internationales, ainsi que celle d’Andréa Kotarac, ancien conseiller régional LFI qui a rejoint le Rassemblement national, avaient révélé la mutation idéologique opérée par le le parti de Jean-Luc Mélenchon. Des dissensions sur l’épineuse question de l’immigration et du rapprochement avec la mouvance «décoloniale» étaient en effet au cœur de ce conflit interne.

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