Israël-Palestine, un conflit qui appartient au passé?

En marge de l’accord israélo-émirati, la situation s’envenime entre Israël et le Hamas à Gaza, et ce dans une indifférence médiatique quasi générale. Pour Sputnik, Frédéric Encel, spécialiste du conflit israélo-palestinien, revient sur les raisons de ce silence et les perspectives que laissent présager cette escalade.
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Cela fait désormais huit jours que l’armée israélienne et le Hamas se livrent à des combats relativement violents à Gaza, sans grand écho médiatique. Pourtant, la situation n’en est pas moins tendue. Depuis plusieurs jours sévit une crise de l'électricité dans la bande de Gaza après l'arrêt de l'unique centrale électrique du territoire palestinien faute de carburant qu’Israël ne laisse plus rentrer à Gaza, car le Hamas l’utilise pour faire des ballons incendiaires.

​«Le Hamas joue avec le feu et je vais faire en sorte que ça se retourne contre eux», a déclaré le 18 août le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, ajoutant que l’armée israélienne restait en «état d’alerte». Le Président israélien a même mis en garde le Hamas, au pouvoir à Gaza, qu'il risquait une «guerre» s’il ne mettait pas un terme aux tirs de ballons incendiaires. Un discours particulièrement guerrier qui fait craindre un nouveau conflit ouvert.

Le Hamas et Israël proche du point de non-retour?

Pourtant, certains observateurs estiment qu’il y a peu de chances que les deux acteurs en arrivent à un tel scénario. C’est ce qu’explique au micro de Sputnik Frédéric Encel, spécialiste du conflit israélo-palestinien, auteur de plusieurs ouvrages sur la région, notamment Atlas géopolitique d’Israël. Aspects d’une démocratie en guerre (Éd. Autrement, 2008).

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Pour lui, le Hamas, qui fait une concurrence farouche à l’Autorité palestinienne, n’a pas besoin de «jouer» à la guerre. Ce qui est pourtant son atout favori pour exister quand l’Autorité palestinienne prenait l’ascendant comme représentant des Palestiniens.

«D’ailleurs, les ballons incendiaires, comme les cerfs-volants incendiaires auparavant, ne sont pas quelque chose de sérieux au regard du potentiel militaire du Hamas», explique-t-il.

En outre, il n’y aurait pas de volonté des deux parties de s’engager dans un conflit ouvert, car cela irait à l’encontre de leurs intérêts immédiats. Pour lui, la rhétorique de la guerre employée par les deux camps sert surtout à montrer aux populations respectives de ces pays que les autorités ne perdent pas la face.

«Il y a un langage guerrier qui masque la volonté de part et d’autre de ne pas aller plus loin. Ces échanges de paroles dures et d’escarmouches sont d’ailleurs extrêmement fréquents.»

Il n’en demeure pas moins vrai que des bombardements ont lieu tous les jours depuis l’accord signé entre Israël et les Émirats arabes unis.

​Généralement, ce niveau de violence, même s’il n’y a pas beaucoup de morts, fait tout de même les gros titres de la presse internationale. Pourtant, la couverture médiatique de cette escalade est extrêmement légère. Comment l’expliquer?

«Le conflit israélo-palestinien n’en est plus un»

Pour Frédéric Encel, pas de doutes: c’est essentiellement dû au fait que le conflit israélo-palestinien n’est plus un conflit central au niveau régional et qu’il ne déchaîne plus les passions comme c’était le cas autrefois.

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«En réalité, l’accord avec les Émirats arabes unis, ce n’est qu’une illustration supplémentaire d’un phénomène déjà enclenché depuis plusieurs années. Le conflit israélo-palestinien n’en est plus un. C’est-à-dire qu’il n’est plus perçu comme tel mais plutôt comme un contentieux, et ce autant du point de vue des belligérants que des acteurs extérieurs», souligne l’expert.

Il en veut d’ailleurs pour preuve l’implication moindre des puissances extérieures: «Cela fait bien longtemps par exemple que l’Union européenne n’a plus exhorté l’un des deux acteurs à revenir à la table des négociations en se fâchant. Cela fait également bien longtemps qu’un Président américain n’a plus exercé de vraies pressions sur Israël, c’est-à-dire assorties de sanctions. Même sous Barack Obama».

Pour lui, cela s’explique par le fait qu’il y a moins d’intérêts pour les acteurs régionaux et internationaux investis dans le contentieux entre Israël et la Palestine. Mais il y a également d’autres conflits qui sont apparus comme plus importants, c’est par exemple le cas de la confrontation entre l’Iran et l’Arabie saoudite.

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