Sur les réseaux sociaux, tout va très vite. Alors que le 4 août à 18h07 à Beyrouth, une déflagration monstre dévastait le port de Beyrouth et une partie de la ville, emportant avec elle la vie de plus de 100 personnes et en blessant des milliers d’autres, à 18h09, Twitter avait déjà cherché et trouvé ce qui s’était passé, voire, qui en était responsable. Rien que ça.
Et les enquêteurs du petit oiseau bleu ont de l’imagination: bombe nucléaire, frappe israélienne, dépôt d’armes du Hezbollah… Tout y est passé, compte tenu de l’immensité de l’explosion.
Pourtant, ces «spécialistes» en balistique et pyrotechnie ont pu très vite être confortés dans leurs thèses par nul autre que le pensionnaire de la Maison-Blanche. En effet, Donald Trump a déclaré lors d’une conférence de presse, peu de temps après l’explosion:
«Cela ressemble à une terrible attaque […] ça n’a pas l’air d’une déflagration industrielle. Ils [des généraux US, ndlr] semblent penser que c’était une attaque, une sorte de bombe.»
Des conclusions un peu précipitées. Une hâte qui interroge une fois de plus sur sa capacité, et celle de ses généraux, à diriger la première armée du monde et l’Otan. Ses dires ont d’ailleurs été démentis peu de temps après par le Pentagone.
«Tout ce qu’il y a de plus classique avec le nitrate d’ammonium»
Il aurait pourtant simplement fallu attendre quelques heures pour que le Premier ministre Hassane Diab lève le voile sur ce qu’il s’est réellement passé: les explosions ont été causées par près de 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium, stockées sans précaution dans un entrepôt, pendant six ans.
Une thèse validée par de nombreux experts, dont celui interrogé par Sputnik:
«Cette déflagration est tout ce qu’il y a de plus classique avec le nitrate d’ammonium. Elle est tout à fait comparable avec ce qui s’est passé sur le complexe chimique d’AZF en 2001 [à Toulouse, ndlr]», estime au micro de Sputnik Jean-Vincent Brisset.
Ancien pilote de chasse de l’armée de l’air, il totalise plus de 3.000 heures de vol et il est désormais directeur de recherche à l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques).
L’intensité de la seconde explosion laisse toutefois certains internautes sceptiques. Une explosion aussi puissante est pourtant possible avec le nitrate d’ammonium, comme le démontre une déflagration survenue en 1947 à la suite de l’explosion d’environ 2.080 tonnes de ce produit à bord du navire SS Grandcamp, battant pavillon français, dans le port de Texas City.
Cette inconnue risque également d’alimenter toutes sortes de fantasmes, en particulier compte tenu des déclarations du Président libanais Michel Aoun, qui a indiqué ce 7 août que «la cause n’a pas encore été déterminée. Il y a la possibilité d’une interférence extérieure comme un missile, une bombe ou un autre moyen.»
L’enquête dira donc s’il s’agit finalement d’un déclenchement criminel et par quels moyens, en attendant les spéculations sur les réseaux sociaux ont de beaux jours devant eux.