Une nouvelle étape a été franchie vers la promulgation du texte de loi relatif à la bioéthique. Dans la nuit du 31 juillet au 1er août, l’Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture le projet de loi. 60 voix pour, 37 contre et 4 députés abstentionnistes, soit environs un sixième des 577 députés que compte la chambre basse du Parlement: «une désertion généralisée», regrette au micro de Sputnik Jean-Frédéric Poisson, président du parti Chrétien-Démocrate (PCD). Un absentéisme prononcé, lors d’un vote quelques heures après le début des vacances parlementaires déjà reportées, qui révolte l’ancien député au vu des enjeux d’un texte.
«L’amendement qui a été adopté sur l’interruption médicale de grossesse jusqu’à la veille de l’accouchement est un acte de barbarie. Il n’y a pas d’autre mot que celui-là», s’offusque Jean-Frédéric Poisson au micro de Sputnik.
Il fait ainsi référence à l’article 20 de du projet, qui reprend la loi existante concernant l’Interruption médicalisée de grossesse (IMG) –à ne pas confondre avec l’interruption volontaire de grossesse (IVG)– pouvant aller jusqu’au terme de la grossesse, s’il est jugé que celle-ci met en péril la vie de la mère ou si l’enfant à naître présente une maladie grave et incurable.
Vote de la loi bioéthique: «désertion généralisée» au Parlement
Cependant, cet article s’est retrouvé renforcé, contre l’avis même du rapporteur du texte, par un amendement porté par la députée socialiste Marie-Noëlle Battistel. Celui-ci ajoute la «détresse psychosociale» aux motifs pouvant justifier le recours à une IMG. Bien que ce recours existe déjà (sur 7.000 IMG pratiquées en France chaque année, 250 le seraient au nom de la détresse psychosociale, relève CheckNews), l’amendement a provoqué un tollé sur la Toile.
«Il faut prendre la mesure de ce qui se joue, c’est un basculement à l’échelle de l’Histoire de l’humanité» déclarait à ce sujet, au micro de RTL l’eurodéputé LR François-Xavier Bellamy, au lendemain du vote du fameux article 1er.
Ce critère de «détresse psychosociale», jugé difficilement évaluable par les détracteurs du texte, pousse ces derniers à brandir le risque de possibles recours abusifs pour justifier des interruptions de grossesse une fois le délai légal pour effectuer une IVG (12e semaine de grossesse) dépassé. En effet, une IMG est réalisable jusqu’à la veille de l’accouchement. Pour Jean-Frédéric Poisson, «il ne peut pas y avoir de motif pour justifier ça.»
Risque de recours abusifs à l’IMG
«Maintenant, on fait revenir la détresse pour autoriser un acte de barbarie, et puis on fera disparaître avec cette même logique la condition de détresse dans quelques années pour expliquer qu’après tout, la vie des enfants est entre les mains de ceux qui veulent éventuellement les supprimer», insiste l’homme politique.
«À partir du moment où la vie humaine n’a plus de valeur et que personne n’est arc-bouté pour la défendre quoi qu’il arrive, on entre dans un monde de fous. Nous sommes dans un monde de fous», s’indigne-t-il.
L’ex-candidat aux primaires de la droite et du centre se dit «très inquiet» pour la France, faisant part de sa «détermination» à ce que «ce gouvernement, ce Président de la République, soient empêchés de nuire le plus vite possible».
«Entre la suppression des libertés fondamentales, la psychose généralisée concernant la pandémie que tout le monde veut combattre, mais où l’on interdit à ceux qui ont des médicaments pour la contrer d’agir, tout cela devient insupportable […] Je suis très étonné que les Français soient encore dociles, au point de se laisser embobiner comme ils le font», regrette le président du PCD, qui a déclaré son intention de se présenter aux Présidentielles de 2022.
Pour autant, le texte de loi voté à l’Assemblée nationale, après avoir balayé les amendements du Sénat, ne satisfait pas tout le monde, même du côté de ses principaux partisans.
Ainsi, du côté des militants LGBT+ (représentant les différentes orientations sexuelles et «identités de genre»), on fait entendre que ce texte n’allait pas assez loin: pas de considération de la transidentité, pas de PMA post-mortem, pas de reconnaissance de la filiation d’enfants nés de la GPA à l’étranger.
Trop ou trop peu: les mécontents de la loi Bioéthique
Un projet de loi qui en l’état, hors PMA, serait donc à leurs yeux «peu inclusif». Faut-il voir dans ces griefs –ou désidératas– le menu d’une énième réforme sociétale? Jean-Frédéric Poisson en est convaincu, «les prochaines étapes sont celles que vous venez de décrire.»
«Si on continue de donner droit aux revendications de groupes qui sont des minorités –extrémistes par ailleurs–, qui veulent imposer au mépris de tous le respect de la nature, finalement, leur propre vision du monde, eh bien nous irons encore plus loin vers la folie», insiste-t-il.
Le président du PCD renvoie au long processus législatif qui a progressivement mené à la situation actuelle, évoquant ce qu’il considère comme la première étape de celui-ci: la loi PMA promulguée à l’été 1994.
«Cela fait 26 ans maintenant, on nous expliquait qu’évidemment il n’y aurait jamais de clonage, pas de chimères– et c’est dans la loi aujourd’hui. Au moment du PACS, on nous expliquait qu’il n’y aurait jamais de mariage homosexuel et maintenant il y en a un. Au moment du mariage homosexuel, on nous expliquait qu’il n’y aurait pas de PMA, pas de GPA, et maintenant ça existe… Donc si vous voulez, la prochaine étape est écrite.»
Un travail d’opposition du député de l’Hérault «qui s’est battu sans le soutien d’un groupe», que «salue» Jean-Frédéric Poisson. Ce dernier est peu surpris par l’absence des élus du parti lepéniste, y voit une «cohérence» avec les positions du parti. «On ne sait jamais s’ils sont pour ou s’ils sont contre», tacle-t-il, «il y a en ce moment […] une offensive contre les conservateurs qui n’échappe à personne». Sollicité sur cette absence, l’un d’eux n’a pas donné suite à nos demandes d’interview. Toutefois à l’opposé des positions idéologiques de ces derniers, tant les écologistes que les communistes n’ont chacun aligné qu’un élu en faveur du texte.
Il reste encore au projet de loi une navette à effectuer entre les deux chambres du Parlement, une étape où le texte pourra être à nouveau amendé, dans un sens ou dans l’autre… quoi qu’il en soit, c’est l’Assemblée aura le dernier mot, Constitution oblige.